dimanche 14 décembre 2014

ZEBRINA - Hamidbar medaber

Zebrina est un récent groupe qui nous provient du Canada et qui a sortis en 2014 son second album sur la radical jewish culture. Les compositions proviennent toutes de la tête pensante du groupe, Jonathan Feldman, qui officie également au Fender Rhodes et parfois à l'orgue. J'adore le son de cet instrument, je l'écoutes souvent avec beaucoup de plaisir, et étant fan de la musique des années 70, son utilisation est une habitude pour mes oreilles. Comme le dit la fameuse tranche noire du label : le groupe amène la musique juive dans le nouveau siècle avec ce "Hamidbar Medaber". L'autre grande force du groupe, avec une section rythmique classique (basse, guitare, batterie) et un percussionniste, c'est bel et bien la présence de Ben Goldberg, artiste Tzadik accomplis et fidèle de la famille Zornienne, sur tous les morceaux à la clarinette. L'interaction entre Feldman et Goldberg fait plaisir à entendre, ce sont eux qui porte le disque à bout de bras. On parlera donc effectivement de jazz moderne technique et inventif avec un touché jewish indéniable forcément renvoyé par les sonorités de clarinette, sans oublier parfois une touche exotica séduisante. Huit long titres extrêmement riche et assez long, des mélodies léchées à la pelle, des solos toujours bien senties, la présence de quelques instruments exotiques qui invitent au voyage, et des atmosphères souvent mystérieuses. Le disque est parfaitement digéré dans son ensemble, et ne part absolument pas dans tous les sens, le plus grand piège à éviter avec ce genre de musique qui brasse plusieurs styles. Un bel ouvrage à découvrir sur la section juive, on attend la suite avec impatience...

mercredi 10 décembre 2014

BUCK JAM TONIC - Zorn/Laswell/Nakamura

Autre disque rare dans l'œuvre tentaculaire de John Zorn, cette rencontre en one shot entre le saxophoniste, son vieux pote Bill Laswell à la basse (avec toutes ses pédales) et le batteur japonais Tatsuya Nakamura qui a joué dans plusieurs groupes obscurs nippons. Très difficile d'avoir plus d'infos quand à la création de ce disque, on sait juste que l'ensemble à été enregistré à Tokyo le 6 décembre 2002, que 5 titres ont été mixé directement sur place, tandis que 3 autres ont été mixé à NY, certainement par Bill Laswell mais impossible de l'affirmer. Une formation dont le disque restera certainement unique, qui est sortis uniquement au Japon sur le label Wild disk, et qui demeure assez recherché par les Zornologues de nos jours (il part vite dans les 50 $ minimum). Mais n'oublions pas qu'il s'agit d'un double album, la partie New yorkaise comporte des titres de 23 et 28 minutes pour démarrer. Le contenu ? de l'improvisation, mais qui défonce. Impossible de ne pas penser à Painkiller avec les deux larrons, mais l'ensemble dépasse ce schémas. Tantôt Noisy, tantôt trippée, le disque dévoile trois maîtres dans l'art d'improviser des atmosphères (sur le partie NY) ou de tout tabasser sur son passage (plutôt la partie Nippone). Pas anecdotique, ce disque est une pièce importante dans l'œuvre de John Zorn, et vraiment une excellente surprise que j'ai découvert sur le tard...

JOHN ZORN - Bandes originales du journal de Spirou

Avant de me faire reprendre, l'intitulée du disque est un peu usurpé, il ne s'agit pas d'un disque de John Zorn mais d'une compilation qu'il a pris part en 1989 sur la label Nato à l'initiative de Jean Rochard. A l'époque jeune compositeur qui n'avait pas encore une renommée internationale, le compositeur new yorkais avait aussi pris part à une compilation sur Jean Luc Godard dont je reparlerais un jour. On ne sait pas trop les tenants et aboutissants entre la rencontre de Zorn et du groupe Blind idiot god, hormis a priori que le premier était fan de la musique des seconds : le troisième et dernier album du combo sortira d'ailleurs sur Avant, label japonais qui était géré par Zorn. Deux titres sont donc issus de ces sessions. Le premier représente la bande dessinée "Nuit blanche pour les gorilles" que j'ai lu mais que je ne me souviens absolument plus malheureusement (à redécouvrir d'ailleurs). Un titre Noise assez violent joué magistralement par le trio. Le second titre évoque les aventures de "Spirou et Fantasio à New York" dont je me souviens parfaitement le contenu pour le coup, pastiche hilarante de la Big Apple et de ces USA fantasque en proie à une guerre entre chinois et italiens, ou le rêve américain est ternie par une ville à la violence omniprésente. Qui d'autre que John Zorn lui même pour représenter la ville de New York, lui qui demeure un élément vitale de la Downtown scene depuis trois décennies. Ce titre free-jazz démoniaque demeure une des Hardcore piece marquante à découvrir absolument, certainement l'un des prémices de Naked city. Blind idiot god tabasse, Zorn éructe au sax, un grand moment...
Sinon, la compilation est excellente, remplis de titres très inspirés, je vous la recommande...

lundi 3 novembre 2014

HAGGAI COHEN-MILO - Penguin

Compagnon de route avec Omer Klein (qui a déjà vu quelques parutions sur Tzadik entre autres), voici le premier disque du bassiste Haggai Cohen Milo pour le label new yorkais. Aucune surprise quand à sa signature, il fait partis intégrant de ses musiciens de Brooklyn qui intègre parfaitement la grande "famille" de la radical jewish culture, à savoir cette jeune génération de musiciens juifs qui cherche à insuffler un souffle nouveau sur la musique juive, peu importe leur background musical. La force de ce "Penguin" est avant d'avoir réunis un bon casting de musiciens talentueux pour une formation alternant les guitaristes et les saxophones (alto ou soprano), batterie, Shanir Ezra Blumenkranz au Oud et Haggai lui même à la basse/contre basse. Neuf titres très riches et complexes, dépassant tous les cinq minutes. On sent qu'il y a eu un gros travail sur les arrangements et les grands axes de la composition, rien ne semble laisser au hasard. Des sonorités parfois trituré aux guitares mais néanmoins captivante, des passages basse/batterie légitime étant donné l'instrument du compositeur, et un rendu sonnant majoritairement comme du jazz, mais toujours avec cette "jewish touch" si chère à la section principale du label Tzadik. Pochette mystère intrigante, et un bon volume attrayant sortis en 2014. En attendant la suite avec grand plaisir...

dimanche 5 octobre 2014

TY CITERMAN - Bop kabbalah

Première incursion du guitariste Ty Citerman pour le label Tzadik, à la demande expressive de John Zorn, comme d'habitude serait t'on tenter de dire. Le compositeur possède cependant déjà plusieurs groupes (Gutbucket, The collapse quartet) mais Bop Kabbalah est un nouveau quatuor avec des membres de Gutbucket afin d'explorer les racines juives des musiciens à travers la composition et l'improvisation. Les instruments associés sont assez atypiques, à savoir la collision entre guitare, batterie, trompette et clarinette basse. Le résultat donne une mixture assez étrange et parfois dérangeante entre du rock débridé, du Klezmer en mode pilotage automatique, ou du jazz qui ferait sa Bar Mitzvah. Durant huit titres plus ou moins long, la musique se déroule dans des moments plus ou moins bruitistes selon si l'improvisation prend le dessus ou non. Mais malheureusement, l'ensemble manque d'impact, de cohérence et d'inspiration pour donner un vrai disque surprenant. Le combo joue en plus sur des rythmiques assez hachées, dans le plus pur réflexe jazz, mais l'instrumentation ne suit pas du tout et le rendu est vraiment bizarre . Cela n'enlève cependant rien aux musiciens qui eut sont très bons et qui font preuve d'une bonne cohésion de groupe. On notera aussi un excellent titre qui sort du lot d'une dizaine de minutes, "exchanging pleasantries with a wall", lunaire, énigmatique et envoutant à souhait. Je n'ai peut être pas trop accroché à l'association de ces instruments, mais cela demeure un avis très personnel. Je vous conseille donc d'y jeter tout de même une oreille si vous êtes amateur de la radical jewish culture...

mardi 19 août 2014

TETSU INOUE - Fragment dots

Tetsu Inoue est un producteur japonais de musique électronique, et demeure considérer comme l'un des précurseurs du genre au pays du soleil levant. Ces travaux peuvent être décrit comme de l'ambiant électronique, soutenue par une bonne influence de l'école minimaliste. Sa discographie demeure assez conséquente, avec pas mal de disques sortis au Japon, ainsi que quelques collaborations diverses et variés, dont quelques unes avec le fameux gaillard Bill Laswell, qui a du se faire une joie de le présenter à John Zorn. C'est certainement ainsi qu'un petit contrat de deux disques a du être signé entre le Japonais et Tzadik, pour agrémenter la section New Japan dédié à la vision japonaise de l'art expérimental. Second disque sortis en 2000, et suite logique de son successeur. Difficile de ne pas faire dans le bis-repetita à priori, je trouve pourtant "fragment dots" légèrement plus aboutis. Inoue a essayé d'inclure dans sa mixture early-électronique quelques passages estampillé clairement plus ambiant lors de courts moments. Il y a aussi cet étrange sensation qu'il a passé son mix en accéléré parfois, mais j'imagine que ça fait partis du concept. Un disque étrange et expérimental à souhait, il y a ceux qui adoreront et aboierons au génie...puis il y a les autres. Je possède ces disques pour la collection Tzadik mais je ne suis pas sur qu'ils tourneront beaucoup dans la platine, soyons honnête...

TETSU INOUE - Psycho-acoustic

Tetsu Inoue est un producteur japonais de musique électronique, et demeure considérer comme l'un des précurseurs du genre au pays du soleil levant. Ces travaux peuvent être décrit comme de l'ambiant électronique, soutenue par une bonne influence de l'école minimaliste. Sa discographie demeure assez conséquente, avec pas mal de disques sortis au Japon, ainsi que quelques collaborations diverses et variés, dont quelques unes avec le fameux gaillard Bill Laswell, qui a du se faire une joie de le présenter à John Zorn. C'est certainement ainsi qu'un petit contrat de deux disques a du être signé entre le Japonais et Tzadik, pour agrémenter la section New Japan dédié à la vision japonaise de l'art expérimental. Premier disque sortis en 1998, "Psycho-acoustic" dénote en premier lieu avec cette pochette gentiment ringarde, 100 % geek assumé et qui a le mérite d'annoncer la couleur. Non pas que l'on va avoir droit à des bruitages de game boy tout le long...mais on va forcément s'y rapprocher. Inoue, c'est le mec derrière son ordinateur qui bidouille. Des bruits, des timides boucles, des sonorités bizarres, des silences. Pas forcément un mur de son à la Merzbow, plutôt un calme perturbés par des petits sons incongrus. Bon, il faut aimer. Perso, je ne vois pas trop l'intérêt d'un tel disque, surtout que les sonorités présentes ne sont pas renversante d'innovation. Je n'aime pas trop Ikue Mori non plus (qui officie dans le même registre), donc je suis cohérent à priori. Pour les amateurs de minimal électronique only...

vendredi 15 août 2014

MAKIGAMI KOICHI - Tokyo taiga

2010, Makigami Koichi, l'homme à la voix et à la coupe de cheveux improbable revenait en force dans le giron de Tzadik, après 3 disques et une décennie passé dans les affres de l'écurie new yorkaise. "Tokyo taiga" officie toujours dans une veine expérimentale, même si il n'est plus seul désormais dans ses acrobaties vocales. Il est accompagné par deux musiciens japonais qui officie aux percussions et aux instruments traditionnels divers (harpe, trompette modifié, koto, etc...). Il en ressort une veine un peu plus mélodique, ou Koichi s'offre parfois quelques lignes de chants et semble nous raconter une histoire (notamment sur ce très long titre intitulé "Tundra" de plus de 14 minutes ou un quatrième larron s'exécute également au violon). Un disque en parfaite adéquation avec l'identité de la new japan puisque se mélange ici sonorités traditionnelles avec une approche expérimentale moderne. Tout cela ne répondra pas à ces questions essentielles : Comment le chanteur japonais est venus faire un featuring sur un des disques de Painkiller ? est t'il au courant qu'un occidental aux cheveux gominé essaye désespérément de prendre contact avec lui en l'imitant ? et que chante Makigami Koichi lorsqu'il prend son bain ?

samedi 26 juillet 2014

MAKIGAMI KOICHI - Kuchinoha

Les parents de Mike Patton étaient d'origine japonaise, et grâce certainement à Ikue Mori qui est l'origine de sa signature sur Tzadik, on connait enfin son cousin japonais secret, avec coupe au bol en option. C'est Makigami Koichi, l'homme aux acrobaties vocales exceptionnelles. Plus sérieusement, on se demande vraiment si Patton ne s'est pas un peu inspiré des facéties vocales de Koichi, ce dernier étant un tout petit peu plus âgé que le père Patton. Premier disque du japonais sortis en 1995 sur Tzadik, période ou John Zorn tapait tout azimuth et offrait pas mal de chèques pour des artistes à l'identité forte afin de définir la direction de son label, avec notamment la section consacré au pays du soleil levant. Enregistré dans un studio new yorkais cette même année, Makigami Koichi officie complétement en solo une nouvelle fois, et enregistre en one shot ces neufs plages de travail aussi improbable que saugrenue. La différence avec Patton (j'y reviens toujours, mais la ressemblance est vraiment troublante par moment) provient peut être d'une influence japonaise parfois, et surtout le fait que Koichi semble interprété une histoire fictive avec plusieurs personnages, la ou le chanteur de Bungle s'appuie sur de la technique pure. Sinon, encore un disque aussi dingue que le Japon, à découvrir...

SYZYGYS - Complete studio recordings

Voilà un groupe japonais qui ne manque pas d’inspiration…Les Syzygys sont en fait un duo de jeune filles japonaises qui nous délivre une pop expérimentale vraiment toute trippée. Un disque qu'aucun label n’aurait pris le parie de sortir, de peur de ne pas rentrer dans une case étriquée de pop vendeuse, et donc de ne trouver aucun acheteur potentiel. Et pourtant, force de constater que la musique de Shirimu et de Nishida est en tout point exceptionnelle. Formation en binôme (Orgue 43 tone et Violon), les filles sont accompagné par plusieurs guitaristes et autres musiciens sur certains arrangements. J'avais déjà kroniké leur autre album sur Tzadik (voir cette même section), un live pour lequel j'ai une tendresse toute particulière puisque c'est l'un des premiers Tzadik que j'ai possédé et qu'on m'avait offert en 2001. Leur autre album (il n'y en a que deux) regroupe donc comme son nom l'indique tous les enregistrements studio du groupe, éparpillé entre 1987 et 1995, et disponible uniquement sur des éditions japonaises au tirage limité et indisponible depuis longtemps. Toujours cette pop à l'orgue déjanté au programme, tellement....japonaise dans le fond. Chant cristallin, Kitsch assumé, mélodies haute en couleurs, délires cosmiques, c'est du grand art Kawaii à ce niveau. Un superbe disque dont l'artwork est en parfaite adéquation avec le disque, c'est dire...

MAKAGAMI KOICHI - Koedarake

Les parents de Mike Patton étaient d'origine japonaise, et grâce certainement à Ikue Mori qui est l'origine de sa signature sur Tzadik, on connait enfin son cousin japonais secret, avec coupe au bol en option. C'est Makigami Koichi, l'homme aux acrobaties vocales exceptionnelles. Plus sérieusement, on se demande vraiment si Patton ne s'est pas un peu inspiré des facéties vocales de Koichi, ce dernier étant un tout petit peu plus âgé que le père Patton. 3eme disque du japonais sur la new japan serie sortis en 2005, le dernier en date. Avec un artwork que n'aurais renié mon petit cousin de 2 ans, on retrouve le lascar en solo sur 17 titres qui n'inspire rien d'autre que le fun. Du gros délire qui doit être autant visuel qu'auditif, Koichi étant parfois habité par plusieurs personnages dans sa tête. Après, pas besoin de faire des centaines d'heures d'analyse, il faut aimer ce genre de prestations, je suis pas archi client, les délires de Patton me suffisent dans ce domaine...

dimanche 20 juillet 2014

AYUO - Izutsu

Retour sur le premier disque de Ayuo sur la new japan sortis en 2000. J'avais déjà kroniké les deux suivants sur cette même section il y a quelques années, section que j'avais laissé un peu tomber par la suite sans que je sache vraiment pourquoi. Le japon risque donc d'être un peu plus à l'honneur prochainement ! Sinon, vous vantez les mérites de ce "Izutsu" jouissif me semble être une évidence, tant cet œuvre recherché et massive va vous transporter dans une vision old school phénoménale du japon. Ayuo s'en défend d'ailleurs dans le livret : il a grandis à NY, mais a toujours garder dans sa tête la vision ancestrale du Japon, Geisha, Théâtre Nô, et Machiya. Cette vision est simplement retranscrit en musique avec tous les instruments celtiques et traditionnels d'époque (Sitar, Harpe, Koto etc...). Puis des chanteuses qui interprètent des chants et incantations bouddhistes pour mieux nous mettre dans l'ambiance du pays du soleil levant. C'est absolument brillant de bout en bout, et un vrai masterpiece de la série pour qui aime ces sonorités anciennes. Je ne sais pas si ma préférence va à ce disque ou "Aoi", le débat est ouvert. Le compositeur a depuis nettement freiné son œuvre discographique (son dernier est "Aoi" de...2005 !) et s'est apparemment lancé dans une pièce de dance/théâtre qui reprendrai "Berlin" de Lou Reed et qui serait uniquement joué au Japon...

AYA NISHINA - Flora

Née au Japon, résidente de NYC depuis 2001, collaboratrice de Ryuichi Sakamoto, Cyro Baptista, ou Greg Osby entre autres, c'est évidemment sous l'impulsion de John Zorn que Aya Nishina s'est vu proposer de sortir son premier disque. Prés de 5 ans dans sa conception et sa réalisation, "Flora" voit le jour fin 2013 sur la composer serie de Tzadik, avec un artwork sobre mais classieux. Les inspirations de Aya pour chaque titre qui compose son œuvre sont assez précises et codifiés : les peintres se partagent le gros avec la peintre surréaliste Agnès Martin, la peintre japonaise issus de Fukushima Chieko Takamura, le peintre japonais Yayoi Kusama, et le photographe Chris McCaw pour une de ses exhibitions photos dans une galerie de NY. La compositrice garde aussi des souvenirs bien précis de ses grands parents qui la promène dans les jardins et lui apprennent tous les noms des plantes et fleurs, en garde un souvenir fasciné, faisant une corrélation entre la vie des plantes et celles des humains qui demeure peu différente dans le fond. D'où certainement le titre de l'album. Un disque magnifique qui consiste en une superposition de voix chantés toujours mélodique, beaucoup plus que dans l'approche de Zorn par exemple. Le disque devient vite autant lyrique qu'hypnotique et demeure une véritable beauté d'une douceur incomparable. Je ne suis habituellement pas très client des œuvres vocales, mais le premier disque d'Aya Nishina vaut vraiment le coup....

jeudi 3 juillet 2014

OTOMO YOSHIHIDE'S NEW JAZZ ENSEMBLE - Dreams

Cette voix, pour un début ! Euphorique ou brisée, on ne saurait trop dire. Ivre ? À coté ? Fausse ? Pour le solfège, sans doute, plus qu’à son tour : toujours ou presque à un ou deux grains de la note. Tellement juste pourtant dans ce qu’elle semble dire et dont on ne saisit mot. Si charmante, si brute ! Enfantine et assumée, dans ses dérapages : hors-ligne, juste à côté. Et cette valse déréglée, cette marche à la tête embrumée, les membres, les muscles, les os, les muqueuses engourdis, nostalgiques un peu, heureux de la nuit blanche que cette aube dissipe. La guitare qui trébucherait la cadence, pour un peu, délibérément, alors que les cuivres en remettent pour un tour dans le titubant magnifique, la processions de fifres aux séductions voilées. Ces échos de carillons liquides joués sur de vieilles machines à circuits imprimés (on le soupçonne à l’oreille, la lecture du livret le confirme). Et ce chant de gamine qui surenchérit, relance, cherche à monter encore, s’étrangle, hoquette : à mourir de rire mais à pleurer de joie. Tout ça est si étrange, étrangement touchant. Tellement immédiat dans son décalage tout de suite reconnu. Si… Tant… Tellement… Japonais ? Mais… Minute ! Si pour une fois on l’inversait, la fameuse proposition. La présomption d’exotisme. Otomo lui-même le soulignait quelque part : plus qu’ailleurs dans son pays, le reste du monde est Mystère, Étranger, forme exogène de vie, pratiquement. Autre. Des siècles durant, l’archipel a grandi, vécu presqu'en autarcie, régulant strictement ses échanges avec le continent proche (via la Chine, la Corée, essentiellement, et avec quelles ambiguïtés, quelle tensions, quelles méfiances, souvent…) ignorant délibérément, parfois hostilement le plus lointain Occident. Ses ouvertures partielles puis reniées, ses appropriations retournées contre leurs origines, aux renouveaux des nationalismes... Puis au milieu de notre vingtième, après-guerre, après-défaite, tout a déferlé, en vrac et sans choix, par voie d’Amérique alors déclarée neuve. Jazz, existentialisme, psychiatrie, radiations. Costumes trois pièces, bars-à-cocktails, attachés-cases et surréalisme. Plus tard, comme partout, invasion pop, psychédélisme, en même temps qu’explosions en formes libres, dans tous les domaines où se faisaient créations. Avec ceci de particulier, insiste Yoshihide : que reçus d’ici (enfin, de là-bas, pour nous…) ce débordement général des civilisations n’apportaient que des produits aux racines inconnues, détachées, nouveau-monde, littéralement. Dans le swing louisiannais, les big-bands, le bop, le free… L’Europe, l’Afrique même pouvaient se reconnaître -quelque ait pu être dans toutes ces théories la part du fantasme, des hypothèses point trop vérifiable- telles ou telles racines, harmonies, familiarités. Telle histoire, déchirement, collision, conflit ou bien libération. Vu du Japon tout ça n’était… Qu’Inléuctable Extérieur. Et toutes ces musiques, tous ces films, toutes ces intrigantes créations qui nous parviennent depuis lors en retour -pop hystériquement insouciante, bruitisme exponentiel, délires sur pellicule grattée ou direct-to-video des plus improbables… Tout ça ne serait pas, comme on l’entend souvent, caricatures, moqueries, outrances, gratuite surenchère. Mais tentatives. De comprendre. D’adapter ces formes imposées -mieux : de les investir en pleine conscience des liens manquants, de l’accidentel- à une culture en soi singulière, autonome, non-rapportée. Bien sur rien, jamais, n’est si tranché. La réalité -le monde tout simplement- les existences et ce qui s’y trame ne sauraient se calquer exactement à de tels théorèmes. Tous ceux qui jouent ici sont de générations où ces questions-là avaient depuis longtemps été brouillées, croisées, redistribuées. Les styles et les technologies. Le vieux DX7 de la new-wave européennes est une machine sortie d’usines à Osaka. Dans les kissa (leurs boîtes à jazz) on joue les même classiques tels-quels, passés, qu’à Paris, Milan, New York versant tourisme culturel. Il n’empêche… Le doute est semé des origines, des erreurs, du délibéré. Du sens des influences et de leurs circulation. Ces gens qui nous délivrent leurs flots, incroyablement changeants ET cohérents -chanson de taverne kabuki, shomyo-pop nimbée de cuivre ou d’ambiant brumisés, surchauffe de pur free…- sont nettement d’un autre quelque-part. Le choix des standards repris n’est pas forcément celui qu’on aurait fait, sous les latitudes de leurs origines (le Eureka de Jim O’Rourke, paradoxalement réchauffé, humanisé par la voix de Phew, dont aucune parole ne nous est compréhensible, ramené au jazz, par glissements, seize minutes et plus durant). La beauté entendue des jeux, même -très plastique, chaleureuse, parfois proche d’un jazz post-bop, moderne, devenu quasi-classique depuis tant de bouleversements, ici privé de ses soli brillants mais pas des son génie du jeu collectif- , l’évidence pop sont indiscernables des suraiguës endémiques exsudés par Sachiko M, des bizarreries pour cordes préparées de Yoshihide, du pur Incongru Kawaï des interventions de Jun Togawa… Malgré tout ce qu’on y reconnait, justement à cause de ça, on est perdu, baladé, charmé mais avec en motif assourdi, qui tourne au fond de l’écoute, la question de la destination. L’énigme est familière. Et donc insidieuse. Des rêves, nous dit-on. Avec tout ce qu’ils comportent d’irrésolu, d’intimement su, d’images réflexes et d’interprétations tordues. Le très occasionnel ennui -ou l’embarras curieux, plutôt- que sécrète leur coq-à-l’âne. Le plaisir qu’on peu prendre à s’égarer à leurs longues inerties. Tout ce qu'ils ont de plein et de zones aveugles. Et puis... Ces voix pour une fin ! Les arrachements de cuivres, le bruit blanc des amplis qui veulent passer directement du solide au gazeux, la même Phew plus tôt méditative qui s’enfle et s’abrase maintenant en rires démentiels de divinité guerrière… Et comme de juste, tout ce chaos qui devrait nous dissoudre nous jette, à la place, en jubilation. L’acmé coupé net, toute spéculation balayée, reste l’interrogation. De ceux-là qui jouaient, de nous qui avons été pris … Lesquels demeurent cette fois dans les songes des autres ? (review par Guts of darkness)

dimanche 15 juin 2014

DAVID SHEA - Classical works

Après avoir été un des premiers compositeurs à sortir son disque sur la composer serie en 1995, David Shea remet le couvert trois ans plus tard pour nous sortir "Classical works" dont le titre annonce assez clairement la couleur. L'opus regroupe deux grandes compositions : en premier lieu "Chamber symphony", une trame sonore impressionnante enregistré en Belgique et qui regroupe pas moins de 16 musiciens, ainsi que David lui même au mixage et sampling. Car voila en fait clairement le but de la manœuvre, mélangé instruments classique joué en live et sample intrusif d'instruments pré-enregistré. Bel exemple du travail et de la recherche poussée du compositeur à nous faire découvrir de nouvelles sonorités, ce premier chapitre tient clairement la route. En second lieu, une autre composition nommé "The voice suite" et s'appuyant sur le même procédé poursuit le disque. On atteint le même degré d'ambiance et de recherche tout simplement parce que David Shea, toujours au sampling ainsi qu'aux platines et au piano, joue seulement avec deux musiciens : le violoncelliste Erik Friedlander et le percussionniste Jim Pugliese, tous deux membres récurrents de la famille Tzadik. L'ambiance y est donc beaucoup plus sombre et cathartique, il se dégage facilement une atmosphère plus dramatique de par sa durée et sa mise en place. David Shea, dont on attend toujours un nouveau disque pour le label de Zorn, signe une seconde œuvre intéressante et fondatrice de l'identité de cette section du label. A découvrir...

TOBIAS PICKER - Invisible lilacs

Une chose est sur avant même qu'on ne juge quoi que ce soit, Tobias Picker a un CV impressionnant : sortis des écoles les plus prestigieuses (dont la Princeton university), il aura comme professeur Elliott Carter, Milton Babbitt ou Charles Wuorinen. Il a reçus un grand nombre de prix prestigieux à travers tous les USA, a collaboré avec un grand nombres d'orchestres et opéras, a été introduit à l'académie des art et des lettres américaine en 2012, et demeure aujourd'hui le directeur artistique de l'opéra de San Antonio. Le disque sortis par Tzadik récemment demeure une tentative de rétrospective non exhaustive de son approche de la musique de chambre. Regroupant des compositions entre 1976 et 2011, le disque demeure remplis à ras bord avec plus de soixante dix minutes de musique. "Invisible lilacs" de 1991 est un duo piano/violon. "Sextet n°2" regroupe un ensemble de six musiciens incluant hautbois, violon, violoncelle, piano, clarinette et percussions. Cette composition est de loin la plus varié niveau sonorités et rappelle certains travaux de Zorn qui a déjà utilisé ce type de formation. Les deux dernières compositions (dont une de plus de 30 minutes) rassemble des string quartet traditionnels accompagné d'un piano dans les deux cas. Le contenu s'avère superbe de bout en bout : agile, étonnante, détonante, la classique contemporain interprété ici est certainement un des plus aboutis entendu sur la composer serie. Tzadik nous offre donc une belle rétrospective d'une des nouvelles voix contemporaine majeure aux US.

CHIEN YIN CHEN - Purr

Né à Taiwan, Chien Yin Chen a grandis dans la ferme de ses grand parents ou elle est vite devenu fasciné par les différentes vibrations de son écoutables : les bruits ambiant de la ferme, l'opéra traditionnel du pays, le théâtre de marionnette, ou encore les chants folk religieux. Déménagement à Vienne ou elle y apprend ses classes puis arrivée à NY en 1994 ou elle s'émerge dans les sons extrême de la downtown scene et particulièrement la musique de John Zorn. C'est en 2003 que ce dernier décide de lui sortir son disque "Purr", seul disque recensé de la jolie Chien. Personnellement, j'ai été assez déçus par l'œuvre car hormis la belle pochette, le contenu vire trop expérimental à mon goût. Cinq compositions de durée moyenne, avec des combinaisons différentes d'instruments, dont certaines s'avéraient particulièrement intéressante sur le papier (notamment l'utilisation de la pipa). Mais au final, les compositions n'ont souvent ni queue ni tête et partent complètement en vrille, ne semble pas vraiment avoir de fils conducteur. Il y a bien une compo pour triple guitare qui sauve un peu la mise, mais pour le reste, il faut être d'humeur aventureuse pour suivre le mouvement. C'est certes un peu le but de Tzadik, mais il y a des camarades de label qui le réussisse beaucoup mieux que Chien Yin Chen. Aucune trace recensé de la compositrice sur le net, elle semble avoir disparu de la circulation...

samedi 31 mai 2014

TOBY DRIVER - In the L..L..library loft

Fort de sa première incursion sur Tzadik avec Kayo dot en 2003, Toby Driver (leader et tête pensante du groupe) revenait en 2005 avec un album solo qu'il aura mis plusieurs années à réaliser si on en croit l'obi du label. Peinture de son auteur en couv', et plusieurs musiciens de Kayo dot, ainsi que quelques guests pour un disque de quatre longues trames sonores dépassant toute les dix minutes. Toby a toujours été fasciné par la corrélation possible entre les rêves et la musique, mais dans son premier titre "Kandu vs Corky (horrorca)", il nous enfonce dans un tourbillon cauchemardesque assez ahurissant. Une ambiance poisseuse, une répétition malsaine, des cris de déments, et le chaos s'empare puissamment de notre cerveau, c'est brillant et irritant en même temps, à moins d'être un vrai paranoïaque. Les trois autres titres flirtant avec de l'ambiant reposé mais sombre ou du néo-classique avant gardiste recherché. Un bel ouvrage subversif et expérimental à souhait, recommandé pour les plus torturés d'entre vous...

lundi 26 mai 2014

ADAM ROBERTS - Leaf metal

Nouveau venus dans l'écurie Tzadik, Adam Roberts est un jeune compositeur ayant étudié à l'école de musique de Vienne et à l'université d'Harvard. Il enseigne actuellement la composition à Istanbul. "Leaf metal" se compose de cinq compositions assez différentes : "Sinews" et "Anakhtara" développe la composition solo du violon et du violoncelle (joué par Gabriela Diaz et Benjamin Schwartz) sur une trame sonore tantôt évasive, tantôt démonstrative. Le premier titre est un string quartet tout ce qu'il y a de plus classique, ni forcément mauvais, mais pas non plus mémorable. En revanche, l'approche d'Adam sur les deux morceaux suivants attirera grandement les fervents de nouvelles sonorités et d'innovation musicale. "Strange loops" est comme son nom l'indique une succession de boucles étrange, composé pour un orchestre de chambre (15 musiciens, tous français pour le coup puisque la pièce a été enregistré à Lyon) et des éléments électroniques. Bizarre mais captivante, cette trame hypnotique et répétitive est une vraie réussite et d'une richesse harmonique bluffante. Enfin, "Leaf metal", pièce éponyme du disque avec ses 15 minutes au compteur a été composé pour un grand orchestre d'une quarantaine de musiciens pour une majeure partie d'instruments à vents (même si on décèle aussi des percussions, harpes, etc...). Cette pièce, d'une richesse incroyable, affirme sa grandiloquence confirmée par le grand nombre de musiciens : dramatique, folle, surprenante, angoissante, c'est une œuvre majeure fantastique et un vrai plus pour le premier chapitre Tzadik de ce jeune compositeur...

lundi 19 mai 2014

FRED FRITH - Back to life

J'aime beaucoup Fred Frith. Je ne possède malheureusement pas sa discographie complète, qui demeure dans ma want-list depuis un moment, mais j'ai toujours aimé les opus qui ont vu le jour sur Tzadik. Outre ces talents outranciers de guitariste, Frith s'est plusieurs fois essayé à la composition de musique de chambre (2 fois par le passé sur Tzadik) et ce dernier volume en date datant de 2008 nous rappelle ces compétences en la matière, même si elles sont moins fréquentes que son comparse Zorn par exemple. Frith, c'est la classe et la sobriété : loin d'en faire des caisses ou de jouer sur un minimalisme abscond, sa musique est toujours juste, posée, parfaitement assimilée pour un ressentis parfait dans le genre. "Back to life" en est un parfait exemple. Le disque remplis jusque ras la besace propose des compositions écrites entre 1993 et 2006, principalement pour le piano solo, les percussions (ou on retrouve le californien William Winant) et des séries de mini-orchestre. Je retiendrais principalement la pièce langoureuse et posée "Elegy for Elias", d'une justesse et beauté évidente, mais l'ensemble du disque sonne particulièrement cohérent et recherché, un plaisir pour les amateurs de musique de chambre moderne...

lundi 12 mai 2014

JOSE MACEDA - Gongs ans bamboos

Compositeur, professeur, théoricien, ethno-musicologiste, autant dire que José Maceda est un des compositeurs les plus sous estimé de la musique contemporaine. Né à Manille aux Philippines, il entame une carrière de pianiste à Paris, avant de se retourner vers l'éducation en devenant professeur dans notamment plusieurs universités américaines très connus (il est titulaire en 1963 d'un doctorat à la fameuse université d'UCLA). Il est notamment le principal responsable du développement de la musique concrète dans son pays natal, introduisant entre autre Pierre Boulez ou Edgard Varèse au public philippin. Quelques enregistrements du compositeur était sortis au Japon mais c'est Tzadik qui sortira en 2001 la première œuvre de Maceda dans le grand ouest occidental. Il aura passé une grande partie de sa vie à écrire et à composer des trames sonores grandiloquentes et certainement beaucoup trop abstraites pour le grand public. "Pagsamba", la première pièce du disque dure trente minutes et formé pour un ensemble de 241 musiciens (!) dont vous pouvez retrouvez sur la pochette le placement stratégique lors de l'enregistrement dans une chapelle en 1968. Il en va du même acabit avec les deux autres longues pièces de l'opus, avec la particularité que l'un est produite par Chris Brown et conduite par Fred Frith, tous les deux profs au Mills college d'Oakland (et par ailleurs sur Tzadik aussi, on comprend mieux la signature de Maceda). Difficile de décrire un tel disque : Maceda aura pris soin d'introduire la musique traditionnelle d'Asie vers une intellectualisation et une approche hautement technique et théorique, en témoigne toutes les nombreuses notes internes du livret. Musicalement, beaucoup de chœurs, de gongs divers et de bambous divers (comprendre par la des instruments à vent asiatique), font des compositions des espèces des magmas sonores cathartiques qui tirent indéniablement vers une forme de drone. Voila un disque unique dans son genre qui a frôlé la "Lunatic fringe" en tous cas, une vraie curiosité à découvrir.

dimanche 11 mai 2014

WAYNE HORVITZ - Whispers, hymns and a murmur

Après un premier disque absolument fantastique sur la série des "film music" (qui devrait d'ailleurs reprendre sous peu...), Wayne Horvitz, compagnon d'arme mythique de John Zorn au sein des non moins mythiques Naked city, sortait en 2006 son second opus pour le label. Avec son titre mystérieux, on notera d'ailleurs que le claviériste n'a plus rien sortis depuis pour le giron new yorkais. Malgré sa chouette pochette toujours un brin arty comme à l'accoutumée, ce volume de la section composer serie ne vaut qualitativement pas grand chose par rapport à son prédécesseur mentionné plus haut, même si ils n'ont rien à voir, j'en consent. Mais pour le coup, le string quintet qui évolue ici (dont le reconnu Eyvind Kang) donne un peu dans le chiant à tous les étages. Ca se veut "lyrique, romantique, afin de créer un monde hypnotique remplis d'émotions cachées". La tranche de Tzadik fait tout dans la retenue une nouvelle fois, mais je me suis assez emmerdé à l'écoute du disque, il ne se passe grand chose en fin de compte si on prend un peu de recul. Et le rôle de Wayne Horvitz à l'electronic processing m'échappe complètement, il a juste donc fait le mixage en gros ? Vous l'aurez compris, il y a des œuvres plus marquantes que d'autres sur le riche label Tzadik, vous savez ou situer celle çi, mais reportez vous sur le "film music 1998-2001" du même auteur, je l'ai réécouté pour l'occasion et il est toujours aussi excellent...

mercredi 7 mai 2014

PETER GARLAND - Love songs

Peter Garland est un traveller, on s'en rend compte clairement en lisant sa biographie : il n'a jamais cessé de voyager entre 1973 et 2005, visitant des dizaines de pays, s'imprégnant sans cesse de multiples cultures, rencontrant de multiples personnes au grés de ses périples (il était proche entre autre de John Cage, Harry Partch, ou Colon Nancarrow). Si la Californie est son pays d'adoption (c'est l'endroit ou on était enregistré toutes les pièces du disque), il est tombé amoureux du Mexique plus particulièrement, s'y installant à plusieurs reprises, puisant ainsi son inspiration dans la musique amérindienne et la musique rituelle mexicaine. Après des dizaines d'années de voyages, il vit aujourd'hui une retraite paisible dans le Maine. Compositeur parmi les plus méconnus de la seconde génération des minimalistes de la West coast, il a cependant toujours eu le soutien indéfectible d'une personne qui adore sa musique : John Zorn. Après deux disques sur Avant, le label japonais pour qui Zorn fût le directeur artistique entre 1992 et 1995, Peter Garland a naturellement bifurqué sur Tzadik afin de sortir la suite de ces travaux. Second disque sortis en 2005, "love songs" se veut une documentation pour couvrir la collaboration entre Peter Garland et le percussionniste William Winant (bien connu des amateurs, ayant joué entre autre avec Mr Bungle, et aussi producteur du disque pour le coup). On retrouve ce dernier sur les trois compositions majeurs : "Coyote's bones" datant de 2001, une très belle pièce hypnotique pour violon, piano et marimba. "Matachin dances" (datant de 1981 !) est une longue pièce pour percussion et violon sur laquelle œuvre notamment Timb Harris (membre des secret chiefs 3) ou l'on retient se violon éparse, mais qui manque d'accroche pour vraiment captiver. Puis "love songs" (1993) ou l'on retrouve le Abel-Steinberg-Winant trio que Zorn a notamment utilisé sur certains de ses disques. Un volume passe partout de la série que l'on retiendra surtout pour sa superbe première composition...

dimanche 4 mai 2014

PAOLA PRESTINI - Body maps

Paola Prestini est une jeune compositrice née en Italie, qui a grandis au Mexique et qui réside de nos jours à NY, elle est co-fondatrice du Vision  into art, un collectif de musiciens qui gère l'univers musical de pièces de théâtre, de musée, ou d'évènements divers. Son premier disque pour le label Tzadik nous montre ses talents de compositrice et on a ici affaire à un chapitre très classique de cette section composer : Six compositions différentes forment le disque, qu'il ne s'agisse pour piano solo (avec d'ailleurs le collaborateur de Zorn, Stephen Gosling), pour Marimba à 5 octaves, pour clarinette et électronique ou pour deux ensembles différents de plusieurs instruments. Paola s'est servis de ses nombreux voyages ou d'évènements divers comme inspiration pour la création de ces pièces à l'univers assez différents. Artiste complète dont on entend plusieurs fois la voix, la jeune compositrice nous livre un chapitre Tzadik qui manque peut être de prise de risque et que je qualifierais de "convenue". Peut être que certaines compositions prendraient une autre dimension avec un support visuel, l'optique dans laquelle elles ont été conçus. Mais parmi le vivier colossal du label new yorkais, "body maps" apparaît plutôt se placer dans les œuvres secondaires...

ANNA CLYNE - Blue moth

Anna Clyne est une jeune compositrice née en 1980 à Londres, et qui est actuellement à résidence dans la symphonie de Chicago. Magnifique peinture de Josh Dorman en couverture, vous pouvez aller voir son site pour en voir beaucoup d'autre, et j'ai trouvé ça plutôt bien car le gars à une parfaite maîtrise de son univers et on reconnaît sa "patte". En ce qui concerne Anna, c'est à peu prés pareil en fait : son concept est le même tout au long du disque, à savoir maîtriser éléments acoustiques et electro-acoustiques au sein de morceaux d'une dizaine de minutes ou à chaque fois l'instrument change. On retrouve donc plusieurs musiciens qui interprète une trame qui sera ensuite malaxer et déformer sur bande par la compositrice. "Rapture" avec sa clarinette tape carrément sur le système, "Choke" avec le saxophone baryton donne presque un petit coté zornien, "Roulette" avec son string quartet s'impose comme de l'avant garde classique, puis les autres compositions avec divers instruments s'imposent avec des passages ambiant ou electro assez séduisant. On est vraiment dans un registre expérimental, et la vision proposé au sein de "Blue moth" demeure vraiment intéressante, peut être pas si innovante que ça dans le cadre de Tzadik, mais clairement hallucinatoire pour une audience étrangère à ce type de sonorités. A découvrir avec plaisir...

samedi 3 mai 2014

PIERRE YVES MACE - Faux jumeaux

Il faudrait consulter les archives de Tzadik, mais je pense sans trop me tromper que Pierre Yves Macé a était le deuxième français à être signé sur le label de John Zorn, après un disque de Luc Ferrari. Si aujourd'hui il y a plusieurs groupes/artistes français présent dans le giron new yorkais, c'était plutôt ardu en 2002 d'y figurer, notamment avec Internet moins développé et a seulement 21 ans en ce qui concerne Macé ! Une superbe pochette orne le disque, on se dit aussi que le contenu ne doit pas être merdique pour que les américains aient pris la volonté de sortir l'œuvre : je pense qu'il s'agit d'un des meilleurs volume de la composer serie, du moins à mes yeux. Quatre trames sonores se partagent le disque, entre 7 et 22 minutes, mais les titres forment un ensemble cohérent aussi raffiné que surprenant, et qui s'écoute certainement d'un bloc. Le principe de base du jeune compositeur était de mélanger une musique accessible ("française et romantique" selon le label) avec des éléments électro-acoustiques, parfois des instruments samplé, et un minimalisme toujours juste et captivant. Toute une série de musiciens donne vie au disque (violon, harpe, clarinette, marimba, flûte, piano et de multiples percussions) puis on sent que le disque a par la suite été retravaillé pour donner un résultat franchement saisissant. Jouant parfaitement avec la texture du son, les passages de silence, les sonorités innovantes, les bruits et ambiances qui transporte dans un univers presque cosmique (comme ses bruits de pas, ces instants de vie capturé dans Paris pour illustrer les buttes-chaumont), c'est vraiment un belle ouvrage. Voici presque d'ailleurs implicitement ma vision de la musique expérimentale : des sonorités nouvelles afin de transporter l'auditeur dans un univers innovant et inexploré. "Faux jumeaux" remplis cette fonction à merveille...

vendredi 2 mai 2014

DAVID SOLID GOULD vs BILL LASWELL - Dub of the passover

Si on reprend un peu l'historique de la radical jewish culture de Tzadik, on s'apercevra que le premier disque de David Gould pour le label "Adonai in dub" (sortis en 2001, kroniké sur ce site) était en fait une relecture dub et fumante de Jamie Saft pour le compte de Zorn, le disque originel "Adonai and I" ayant vu le jour sur un autre label. Evidemment, après la sortie de l'excellent "feast of the passover", on est à moitié surpris de voir ce "Dub of the passover" voir le jour, reprenant exactement le même concept qu'il y a dix piges. Et pour varier les plaisirs, c'est cette fois Mr. Bill Laswell qui s'y colle, et qui est certainement un des gars les plus légitimes pour ce genre d'exercice étant donné ces nombreuses incursions dans le milieu reggae-dub roots, et ses remix de Bob Marley, entre autres. L'album d'origine est déjà bien cool, Billou n'a pas eu besoin de faire des miracles dans ces "traductions dub" pour faire un solide album enfumé et aérien. De la grosse basse, de la reverb', des beats lents, de la caisse claire mode aéroport, des bidouillages électroniques et de la weed plein le cerveau, voila les ingrédient de la formule rodée et toujours réjouissante, surtout dans le cadre de Tzadik qui sort des disques dans ce genre tous les dix ans en fait...

JOHN ZORN - On the torment of saints, the casting of spells and the evocation of spirits

17eme volume des travaux de chamber music de John Zorn. Avec le temps, on peut légitimement penser qu'il apprécie de plus de plus les travaux de ce type : plus mystique, plus technique, plus réfléchie, plus exigeant, plus captivant, "plus"....L'abandon récent des filmworks, la réduction des projets plus extrêmes ou les concerts diminuant tendent à nous le confirmer.

Peinture de Salvador Dali en front, des peintures de Goya et Michelangelo à l'intérieur, et trois compositions principales, dont deux qui m'ont un peu redonné du baume au cœur dans la vision classique de Zorn, les deux derniers volumes en date étant assez plat et redondant selon moi.
"The tempest" débute les hostilités pour une formation en trio assez inhabituelle, à savoir clarinette, flûte et batterie. De plus, la batterie reprend pas mal d'éléments du free jazz, avec une approche qui semble autant spontanée qu'hyper technique. Zorn montrera d'ailleurs à Nathan Davis diverses techniques qui lui en sera très reconnaissant. L'influence principale de la pièce est une des dernières pièces de théâtre sans nom de Shakespeare.

"All hallows' eve" est une longue pièce d'une quinzaine de minutes dédié donc à la fameuse fête plus connu sous le nom d'Halloween (le titre en est donc une contraction d'époque). En dépit de son nom d'origine chrétienne et anglaise, la grande majorité des sources présentent Halloween comme un héritage de la fête païenne de Samain qui était célébrée à la même date par les celtes et constituait pour eux une sorte de fête du nouvel an. Halloween est ainsi connue jusqu'à nos jours sous le nom de Oíche Shamhna en gaélique. Elle est une fête très populaire en Irlande, Écosse et au Pays de Galles où l'on trouve de nombreux témoignages historiques de son existence. Jack-o'-lantern, la lanterne emblématique d'Halloween, est elle-même issue d'une légende irlandaise. Dramatique et sombre comme elle se doit, c'est un string trio qui donne à cette pièce Zornienne convenue dans le genre, mais qui est une nouvelle fois brillamment écrite.

La Tentation de saint Antoine est le titre de nombreuses œuvres traitant du thème de la tentation d'Antoine le Grand : ce saint, retiré dans le désert d'Égypte, y subit la tentation du Diable sous la forme de visions des voluptés terrestres. Il existe effectivement de nombreuses œuvres pour représenter cette thématique (Dali dont la peinture orne la pochette, puis beaucoup d'autres...), Zorn aura mis 10 jours pour apporter sa pierre à l'édifice en février 2012. Cette pièce épique est présenté comme un mini concerto au piano qui serait opposé à d'autres instruments. Construits sur des épisodes évoquant les rêves et les cauchemars, la musique est décliné avec des détails rythmiques, mélodiques et des textures qui organisent les tentations et le dialogue philosophique entre Saint Antoine représenté par le piano, ses détracteurs (un string quartet et un Wind quartet complet) et les voix éventuelles venant du désert (représenté par un cor d'harmonie). Au final, une très belle pièce riche en rebondissements et en découverte, superbement interprété sans maitre d'orchestre, et assurément une des meilleures réussites de Zorn dans son exploration de la musique de chambre...

samedi 5 avril 2014

JOHN ZORN - Lemma

16eme volume des chambers works de John Zorn sur la composer serie dédié cette fois ci au violon. Artwork de nouveau par Zorn. Je donne l'avis (ça m'arrive de temps en temps) de quelqu'un d'autre, je n'ai pas apprécié le disque, il m'a relativement gonflé...

Source : the beautiful downgrade

Attention ! Ce Zorn ci fait peur à beaucoup. Ce n’est pas celui qui cajole les oreilles de douces mélopées où se rencontrent klezmer, jazz, americana, etc. Non, ce Zorn ci donne dans la complexité, dans la recherche aussi, il exprime la facette contemporaine d’un compositeur toujours aussi multiple, jamais vraiment là où on l’attendrait malgré l’immense diversité de son catalogue.
 
En l’occurrence, un instrument est mis à l’honneur sur ce Lemma : le violon. Et trois instrumentistes, (mais pas le « régulier » Mark Feldman, sans doute occupé alors à d’autres explorations) : David Fulmer, Chris Otto et Pauline Kim. Et trois sections distinctes habitant les 17 pistes de la livraison : Apohthegms, Passagen et Ceremonial Magic.

On commence par Apophthegms duo de violons entre David Fulmer et Christopher Otto, progression en douze courtes vignettes dans les méandres du cerveau Zornien à son "avant-gardissime" soit une musique se jouant de la mélodie (plus qu'en jouant) pour produire des effets, des impressions, des émotions différentes. La partition, en l'occurrence, n'épargne pas les bizarreries d'usage à l'auditeur même s'il lui arrive, c'est heureux, de s'apaiser jusqu'à évoquer furtivement Bach ou Bartók. Pas simple tout ça mais diablement attirant et, en définitive, réussi.

Suit Passagen et ses 14 massives minutes. Et quelle beauté ! Pas besoin de plus qu'une violoniste précise et passionnée telle que Pauline Kim pour habiter cette pièce pour laquelle Zorn avoue s'être inspiré de quelques œuvres de grands compositeurs ayant dédié une partie de leur art à l'instrument qui nous intéresse ici (le violon, donc, et, nommément, Bach, Paganini, Bartók et Carter). On reste, ceci dit, en Zornerie l'inspiration étant plus stylistique qu'harmonique... Et c'est parfait comme ça !

Last but not least, Ceremonial Magic, déjà présent dans une version rythmée dans Music And Its Double (avec Kenny Wollesen à la batterie), déjà joué alors par David Fulmer dont la maîtrise instrumentale et le feeling ne se démentent pas ici. Pas une découverte, donc, que cette suite en quatre mouvements, juste la confirmation de la grâce déjà entendue et ici confirmée mais pas forcément la pièce à la marge entre précision compositionnelle et improvisation échevelée qu'il nous avait semblé entendre précédemment tant la réplique présente s'approche au plus près de l'enregistrement originel.

On ne le niera pas, ce Zorn là, le Zorn contemporain, en déstabilisera certains. De fait, il faut connaître cette grammaire musicale, cet esprit à la fois revêche  et ludique, cette volonté régulièrement réaffirmée de ne pas simplement "faire" pour pleinement goûter au festin présentement offert. Quoique les moments de pure grâce soient, finalement, suffisamment nombreux pour offrir une porte d'entrée viable à cet univers ô combien particulier.

JOHN ZORN - Music and its double

15eme volume des travaux de chamber music de John Zorn. Avec le temps, on peut légitimement penser qu'il apprécie de plus de plus les travaux de ce type : plus mystique, plus technique, plus réfléchie, plus exigeant, plus captivant, "plus"....L'abandon récent des filmworks, la réduction des projets plus extrêmes ou les concerts diminuant tendent à nous le confirmer.

Alors on aime ou on aime pas, mais les disques se multiplient assez rapidement. "Music and its double", soit la réponse non voilée à l'œuvre d'Antonin Artaud "the theatre and its double", figure artistique archi-récurrente dans l'œuvre zornienne (qui a du influencer au moins une dizaine de ses disques). Trois compositions sont au programme. Premièrement "A rebours", composé en 2010, commissionné par Charles Wuorinen, et dans laquelle on retrouve pas mal de musiciens habitués des musique de chambre du gourou new yorkais (on compte dans les rangs William Winant, Fred Sherry, Jennifer Choi, David Fulmer, etc....le tout dirigé par Brad Lubman). 10 musiciens en tout, pour une pièce qui retrouve le côté ésotérique de "magick" ou "rituals" de cette même section. Hommage appuyé à Ligeti, les onze minutes présentes sont captivantes de bout en bout...

"Ceremonial magic", composé en 2011, écrite pour un duo batterie/violon même si une variation au violon seul devrait peut être voir le jour. David Fulmer et Kenny Wollesen prennent place dans le studio de Marc Urselli pour interpréter les 20 minutes du titre, découpé en 4 plages. Hyper technique, assez frappé, voila une prestation qui doit être hallucinante en live, mais qui fatigue un peu sur le long terme en studio, comme ce genre de prestations l'exigent. quelques mots clés cité par Zorn : incantation, moments d'hypnose alterné à une transe avec des aspects cérémonial. Tout un concept...

"La machine de l'être" composé en 1999, interprété pour la première fois à l'opéra de NY début 2011, est inspiré des dessins d'Artaud fait durant ses dernières années lorsqu'il sera interné à l'asile de Rodez. 12 minutes intenses qui explore le dramatique et l'émotionnel, composé ici pour une cantatrice soprano et un large ensemble orchestral. Pas de paroles présentes, mais des variations de voix plus ou moins intenses dont l'apogée interviens au final, la cantatrice Anu Komsi déclara d'ailleurs à Zorn que la pièce ne pouvait pas être plus longue car trop intense. Étrangement enregistré en Finlande et conduit par un orchestre inconnu des services new yorkais, Zorn ne livre pas d'explications la dessus. Une pièce folle et cathartique, assez classique des travaux du compositeur pour la composer serie.

Artwork exécuté par John Zorn, c'est assez rare donc on peut le signaler, il faut savoir apprécier l'art abstrait...

JOHN ZORN - Filmworks XXV

Je ne pourrais pas cette fois çi me fendre du petit texte d'intro habituel pour les filmworks : démarré en 1986, publié à partir de 1995 sur Tzadik et depuis 2008 sur mon modeste blog, ce volume vingt cinquième du nom sera à priori le dernier. La décision est tombé un peu comme un couperet et a du en étonner plus d'un. Mais John Zorn se justifie pleinement dans le livret accompagnant le disque : la création des bandes sons de films l'intéresse moins qu'à ses débuts, et il se servait de ce prétexte durant des années pour convier les musiciens et enregistrer en studio assez rapidement une musique différente, accessible, mélodique, moins exigeante techniquement et surtout très spontanée. Mais après toute ces années, puis l'enregistrement de projet comme the dreamers ou l'Alhambra love songs, le saxophoniste a réalisé qu'il n'avait plus besoin d'excuses extérieures pour enregistrer ce genre de musique. Ajoutons à cela les difficultés de communication et d'entente avec certains réalisateurs (ou pire leur entourage), voila schématiquement ce qui aura eu raison de la motivation du compositeur à composer des bandes sons de films...

Pour finir par un compte rond ou par superstition numérologique (allez savoir...), Tzadik a donc fouillé les cartons pour réunir les morceaux de 3 projets différents, mais qui ont la particularité de tous avoir été composé au piano solo. En premier lieu, différents petits courts métrages sur l'ouverture du premier musée juif de Moscou, dirigé par Oren Rudavsky, réalisateur proche de Zorn avec qui une collaboration sur deux filmworks passés. 2012 était une année hyper booké pour John Zorn mais il n'a pas eu le cœur de dire non à un vieil ami ; de par la teneur des images historique en noir et blanc, le new yorkais a de suite pensé à du piano solo. Seul bémol, après plusieurs coup de fils passés, aucun pianiste du cercle Zornien n'est disponible dans les prochains jours (certainement dans les rangs Rob Burger, John Medeski, Jamie Saft, Uri Caine, Sylvie Courvoisier...), reste deux options : le jouer lui même (mais ses compétences sont limités dixit lui même) ou abandonner le projet. Puis petit coup du destin : Zorn était invité à un concert de jazz au Guggenheim museum le lendemain et décida d'y aller en journée pour voir le groupe répété (il confesse d'ailleurs que ces nuits sont consacrés à l'écriture et à la composition) face à la belle journée printanière en traversant central park à pied. Une fois sur place, il découvre Omri Mor, jeune pianiste israélien dont il a beaucoup entendu parlé et il est scotché par sa technique et son feeling unique. Une fois branché, le rendez vous en studio est pris quelques jours après et 14 titres sont enregistrés, tous superbes et lyriques. Zorn sera particulièrement conquis, il annonce d'ailleurs l'enregistrement futur d'un book of angels du trio du pianiste pour mi-2013 mais ça n'a pas pu se faire à priori...

Ensuite, Marc Levin, autre réalisateur déjà habitué des filmworks demanda à Zorn quelques titres de Masada en licence pour son nouveau documentaire sur NY "Schmatta", puis ce dernier lui improvisa au piano trois titres lors d'une session rapide le 15 juin 2009. Le style assez sombre et lunaire de Zorn au piano est assez classique du genre, pas incontournable, avouons le. Puis pour finir un titre inédit interprété par Rob Burger "Beyond the infinite" qui n'avait pas trouvé sa place sur le disque "The goddess"

Comme on dit dans le cinéma, "rideau" sur les filmworks. Nous verrons en fait par la suite et au fur et à mesure des nouveaux travaux Zornien si la série nous manque ou pas. Elle nous a offert cependant de superbes moments musicaux et c'est surtout cela que l'on retiendra...

vendredi 28 mars 2014

JOHN ZORN - The book of heads

Dernier rescapé des travaux de John Zorn pour la composer serie "old school" que je n'avais pas chroniqué. "The book of heads", un disque résolument à part dans la discographie du compositeur, A la même période que le fameux "the classique guide to strategy" ou Zorn étudiait en profondeur les sonorités possibles au saxophone alto, il composa aussi en 1978 la même chose mais pour la guitare, des travaux destinés à être interprété par Eugene Chadbourne à la base. Etant donné que ce dernier est encore en activité, on ne saura jamais trop pourquoi ce n'est pas lui qui enregistra ce disque, puisque John Zorn Et Chadbourne étaient très proche dans les années 80. Le disque fût enregistré en 1995 au début de la création de Tzadik, étant l'une de ses premières références historiques, et Zorn demanda à un jeune guitariste peu connus mais immensément talentueux de l'interpréter : Marc Ribot. Un constat cependant logique de nos jours, Ribot étant de loin le guitariste le plus impliqué dans l'œuvre Zornienne. "The book of heads", soit la guitare expérimentale dans sa plus grande décadence, 35 études barrés qui mérite plus d'être visualisé que d'être écouté (beaucoup d'objets divers sont utilisés, à la manière de Fred Frith). Selon Marc Ribot, cette œuvre fit évoluer son approche de la guitare. Pour nous auditeur, voici une œuvre subversive intéressante et créative, mais difficilement écoutable régulièrement, de par son approche hautement "théorique" dirons nous poliment...

JOHN ZORN - Filmworks XXIV (The nobel prize winner)

Poursuite rétrospective de la série des filmworks de John Zorn, débuté en 1986 et se poursuivant inlassablement de nos jours. On retrouve tout cette série dans la archival serie de Tzadik, qui couvre tous les enregistrements que sort le compositeur new yorkais de nos jours. Le Filmworks XIVI voit le jour en 2010 pour être la bande son d'une comédie noire hollandaise de Timo Veltkamp pour raconter l'histoire d'une ancienne gloire de l'écriture qui demande à un jeune auteur talentueux mais sans succès de l'aider à finir son œuvre.

Filmé en noir et blanc, cette comédie cynique et brillante est extrêmement réussi selon la critique. Le compositeur Van Dyke Parks devait normalement s'atteler à donner une vie musicale au film, mais des soucis de planning firent capoter l'affaire. Quelques titres de Zorn avaient été incrustés dans les divers essais de montage, le réalisateur demanda en toute logique si ce dernier voulait s'en occuper, et il accepta avec plaisir. John Zorn ne vit pas trop par ou commencer, pensant d'abord à n'utiliser que des effets sonores sans instruments. Après plusieurs visions, le compositeur décida qu'il fallait quelque chose de plus intimiste et personnel pour faire rentrer le spectateur plus profondément dans l'histoire, le piano solo fût d'abord envisagé, à l'instar de la bande son de David Shire "The conversation" de Coppola. Veltkamp approuva totalement l'idée, mais suggéra d'amener plus d'instruments pour la variété des sons, l'option piano trio se dégagea assez facilement, Trevor Dunn à la basse, Kenny Wollessen à la batterie et Rob Burger au piano furent appelé en studio.

Ecrit lors d'une seule journée de dimanche pluvieux, la musique composée par John Zorn couvre ici une palette d'émotions différentes pour caler aux diverses scènes du film. Comparé à ses récents travaux assez difficile techniquement à ce moment la, les compositions simples et intuitives présentes sur ce volume fut un vrai plaisir à enregistrer pour les musiciens, décontractés et inspirés, qui ont fait un superbe travail il est vrai. Section rythmique parfaite, et un piano souvent tendre et juste.

John Zorn finit ensuite ses notes en nous expliquant que cette collaboration a été très agréable de bout en bout, mais qu'il émet des doutes sur sa volonté à poursuivre cette série car ça n'a pas été souvent le cas, les réalisateurs et leurs entourages étant de plus en plus investis dans la direction musicale que doit prendre un projet de film, brisant la confiance entre le réalisateur et le compositeur, aliénant toute vision de créativité et de spontanéité. Il est impossible pour le new yorkais de travailler dans cet état d'esprit, la liberté d'action étant de plus en plus réduite ; même si il est toujours attiré par le format des "travaux de films", que la musique est souvent sublime dans ce cadre (même si son utilisation peut être raté), et qu'il souhaite toujours que ses travaux parviennent à satisfaire un réalisateur, John Zorn est désormais convaincu qu'il lui est impossible de créer de la musique pouvant plaire a tous le monde hormis à lui même et ses musiciens...

mercredi 26 mars 2014

MATTHEW BARNSON - Sibyl tones

Jeune compositeur né dans l'Utah, ayant étudié à l'université de Pennsylvanie et de Yale, et résident de nos jours dans Manhattan (un poil plus haut que le downtown pour être précis), Matthew Barnson a également enseigné la composition entre autre à Yale et la théorie musicale à la third street music school de NY. Son premier disque pour Tzadik avec sa pochette psychédélique se retrouve directement dans le giron de la composer serie puisqu'on est ici en plein dans la musique classique contemporaine. Au programme, du string quartet uniquement, décliné en 3 pièces, dont une principale qui dure pas moins de 47 minutes (!). Les influences de Matthew sont variées et complexes : Roland de Lassus, les peintres Monnet et Cézanne que nous autres français connaissons bien, ou encore Gerhardt Richter, peintre allemand de renom. Un processus qu'on imagine long et intuitif pour atteindre des compositions dramatique et expressive, composé de moments d'accalmie et de déviances de cordes. Le processus est expliqué dans le livret, et le rendu est vraiment brillant pour tout amateur de string quartet (John Zorn s'emploie d'ailleurs souvent a gratifié la série de cette formation, considéré comme la plus noble et la plus complexe pour la composition). Deux quartet différents s'exécute aux instruments, jouant tous avec une justesse incroyable, certainement tous de sacrés musiciens de conservatoire. "Sibyl tones" est un bon disque jouant sur tellement de textures et ambiances qu'il en devient captivant, une bonne pioche en ce début d'année 2014...

lundi 17 mars 2014

JOHN ZORN - Filmworks XXIII (El general)

Poursuite rétrospective de la série des filmworks de John Zorn, débuté en 1986 et se poursuivant inlassablement de nos jours. On retrouve tout cette série dans la archival serie de Tzadik, qui couvre tous les enregistrements que sort le compositeur new yorkais de nos jours. Le Filmworks XXIII voit le jour en 2009 pour couvrir un documentaire sur la vie du controversé président mexicain Plutarco Elias Calles (au pouvoir dans les années 20) et considéré comme l'un des pères fondateurs du Mexique moderne.

En juillet 2008, Marc Ribot informe John Zorn que l'une de ses bonnes amies Natalia Almada avait envisagé de faire appel à lui pour la bande son de son nouveau film (soit donc un documentaire sur son grand père en l'occurrence, plus d'infos sur le net). 2008 aura été une année charnière pour Zorn et le cinéma puisque pas moins de quatre filmworks furent enregistrés, ce dernier commença donc à en avoir un peu marre du paramètre cinéma (avec les contraintes qui vont avec), préférant bosser sur The crucible à venir ou bien des chamber works. De plus lors de leur premier échange, la réalisatrice et le compositeur ne sont pas parfaitement en adéquation, elle souhaite s'investir pleinement dans le processus de composition (ce que Zorn déteste), et va aussi aller voir dans les ateliers du festival de Sundance pour éventuellement trouver un musicien créatif avec qui collaborer. Le contact en reste la, même si la porte reste ouverte en cas d'échec dans sa recherche.

Natalia revient à la charge quelques semaines plus tard, s'ensuit une longue série d'e-mails entre elle et le compositeur, Zorn avouant qu'il n'avait jamais passer autant de temps à essayer de déboucher sur quelque chose. Deux mois après, le compositeur n'a toujours pas vu le film mais il est cependant sur d'une chose : le projet n'est pas fait pour lui, et en septembre, les deux parties tombent d'accord sur le fait que la musique sera mieux faites par quelqu'un d'autre, et les deux protagonistes rompt le contact à l'amiable. Quelques semaines plus tard, le téléphone sonna, c'était Marc Ribot qui lui demanda une faveur : Natalia Almada avait échoué à trouver un compositeur approprié pour son documentaire, pouvait t'il essayer de l'aider en devenant son compositeur ? Zorn expliqua à Ribot qu'il n'avait pas la même vision du projet et qu'ils ne voyaient pas de la même manière la collaboration. Ribot insista, et sachant qu'il s'agit de l'un de ses meilleurs amis et de ses plus fidèles et importants collaborateurs, il accepta. Réservation du studio le 7 octobre pour une seule journée avec Marc Urselli, le groupe est composé de fidèles comme d'habitude pour aller assez vite. Peu souvent dispo ces derniers temps, Greg Cohen peut répondre présent à la basse, Rob Burger à l'accordéon ou piano, Kenny Wollesen à la batterie ou Marimba, et Marc Ribot en pièce centrale à la guitare, puisque il est en partie responsable du projet. La réalisatrice du film ne voulait pas de musique mexicaine, tablant plus sur une musique minimaliste et abstraite. Zorn n'est pas d'accord avec ce point de vue, pensant que le film réclame plus de reliefs dans les sonorités. Se sentant une plus grande responsabilité vis à vis de Ribot, le compositeur new yorkais ira même jusqu'à écrire de fois plus de titres que prévus, certains finiront d'ailleurs sur certains disque de The dreamers...

Après avoir envoyé un dernier mail à la réalisatrice lui demandant si elle était sure de ne pas vouloir annuler la session studio (et donc dépenser de l'argent) sachant qu'ils avaient une opinion différente, la session eu lieu, 11 titres furent enregistrés, tous exceptionnellement beau, couvrant différentes variétés d'émotions et de rythmes, mais avec une magnifique justesse des quatre musiciens et un superbe feeling. John Zorn était particulièrement content du travail de Marc Ribot, les deux hommes étant d'ailleurs convaincus que Natalia Almada serait conquise par la musique fournit dans ce filmworks. Ils avaient tout faux : non seulement la réalisatrice n'utilisa que deux morceaux pour son documentaire, mais elle engagea aussi dans le dos de tous le monde un autre compositeur pour compléter la bande son. Moralité de l'histoire selon John Zorn : toujours ses premiers instincts, on le sent d'ailleurs bien amer de l'histoire au final. Reste cependant un sublime volume que personne chez les zornologues ne devraient renier...

lundi 3 mars 2014

JOHN ZORN - Filmworks XXII (The last supper)

Poursuite rétrospective de la série des filmworks de John Zorn, débuté en 1986 et se poursuivant inlassablement de nos jours. On retrouve tout cette série dans la archival serie de Tzadik, qui couvre tous les enregistrements que sort le compositeur new yorkais de nos jours. Le Filmworks XXII date également de 2008, ce qui en fait la troisième bande son zornienne cette année la. La bande son couvre un film ahurissant et improbable réalisé par un français, Arno Bouchard...

On connaît toute l'affection de John Zorn pour le cinéma hautement expérimental (Smith, Anger, Hills, Godard, Jodorowsky, etc...) et c'est en partant de ce principe qu'on se doute que le compositeur new yorkais fût complètement bluffé à la première vision de "The last supper". Film complètement décalé, improbable, aussi envoûtant que dérangeant, toute la genèse de l'œuvre est expliqué par le jeune réalisateur dans une interview sur son site internet, et un trailer officiel est disponible sur internet, le film entier ayant été apparemment distribué en toute petite quantité et en version ultra limité. C'est peut être d'ailleurs pour cela que ce filmworks est accompagné d'un très beau livret emballé dans un fourreau classieux regroupant pas mal de photos du film (il s'agit avant tout d'une œuvre visuelle, en plus d'être complètement cosmique). On souffla l'idée à Arno Bouchard d'une bande son composé par John Zorn, lui qui voulait à la base juste inséré une voix parlante mais ne trouvé pas les textes collant aux images chocs. Un dvd, storyboard et scénario fût passé à Zorn lors de sa résidence à Paris à la salle Pleyel en 2008. Soufflé par le spectacle ("l'un des films le plus étrange que j'ai vu..."), le new yorkais se met à avoir pas mal d'idée avant même que le réalisateur ne lui demande quelque chose. Bouchard voulait à la base prendre en licence "Kol Nidre" (qu'on retrouve sur "Cartoon S/m"), une pièce tendance religieuse. Etant donné la certaine teneur sexuelle et torride des scènes, Zorn désapprouva totalement cette idée, mais proposa comme à l'accoutumée de composer une bande son complète et originale à la place...

John Zorn voulait à la base suivre la violence bizarre des images en fournissant des sonorités industrielles/noise très intense en appelant le quatuor Ribot, Laswell, Mori et Winant. Ca aurait pu péter des flammes, avouons le. Mais au plus il visionna le film, au plus il voulait plutôt instauré un sentiment plus profond, un calme rituel et hypnotique. Bouchard laissa carte blanche, une autre vision fût choisie, les premiers instruments du monde, l'association des percussions et des voix. Un excellent choix je trouve, la bande son est particulièrement réussis, et colle parfaitement aux images du film, notamment ce "Virgin sacrifice" anthologique. Zorn et Cyro Baptista aux percussions, et les mêmes chanteuses que sur "Frammenti del sapho" (sur "Mysterium", voir la composer serie) nous offre un disque homogène qui s'écoute d'une seule traite, et qui outre "The last supper", pourrait largement convenir de bande son pour des pièces de danse ou de théâtre...

dimanche 2 mars 2014

JACQUES DEMIERRE - Breaking stone

Nouveau venus dans le roster Tzadik, Jacques Demierre nous renvois assez facilement dans le giron de Sylvie Courvoisier dans la catégorie assez réduite des pianistes d'origine suisse officiant dans la musique expérimentale. C'est après un concert de "Champion" Jack Dupree, pianiste mythique de blues de la nouvelle Orleans, fasciné par l'aura du musicien, qu'il décide de se lancer dans l'apprentissage à seulement une dizaine d'années. Fort d'une discographie conséquente et de nombreuses collaborations au fils des années, "Breaking stone" voit le jour en cette fin d'année 2013 sur la composer serie de Tzadik. Une pièce pour piano modifié démarre le disque, avec des sonorités modifiées grâce à une pédale, 9 minutes intéressantes, qui nous montre la dextérité du musicien. La seconde pièce "Sumpatheia"est ma préféré : 10 minutes d'une forme d'improvisation entre un guitariste jouant des notes muettes à la manière de Derek Bailey, et d'une violoniste en interaction avec ce dernier. Duo minimaliste, intrigant et inquiétant, mais dans la grande tradition Tzadik. La dernière pièce éponyme de 40 minutes, je ne l'ai malheureusement pas comprise. L'interaction entre le langage et le piano, oui, pourquoi pas dans l'absolu. Jacques Demierre diffuse sa voix dans le corps du piano pour avoir une interaction entre les deux. Mais le résultat s'avère décevant à mes yeux, ou piano quasi improvisé à l'écoute se mêle à des quasi-onomatopées pas vraiment super bien sentis. Sur une telle longueur, "breaking stone" indispose vite, trop vite, et ne suscite pas un particulier grand engouement. Dommage...

jeudi 27 février 2014

JOHN ZORN / THURSTON MOORE - @

Une nouvelle rencontre forcément intéressante sur le papier, car pour le coup vraiment innovante, et sortant du cercle des musiciens "zornien" établis. Ils avaient joué plusieurs fois au Stone de NY ou bien lors de quelques événements fortuit. Ils représentent deux types de générations inspirés d'improvisateurs pure, attiré par la musique expérimentale, la noise dérangée et l'art de briser en milles pièces les schémas musicaux établis. La rencontre du gourou de la downtown scene et du guitariste de Sonic youth, beaucoup en aurait rêvés il y a quelques années, c'est de nos jours chose faites grâce à ce "@" pétaradant au possible. Remercions surement Kim Gordon, car à cause de ce divorce avec son mari, Thurston Moore a certes arrêté Sonic youth, laissant des milliers de fan orphelins du groupe majeurs new yorkais avec un catalogue si influent (j'avoue que je ne connais pas tous leurs disques...) mais au moins le géant guitariste aura eu le temps de se rendre en studio le 17 février 2013 pour enregistrer 7 improvisations pures avec Mr. Zorn. On se doute évidemment du programme : bruyant, Noisy, décalé, surprenant, les adjectifs ne manquent pas, "@" demeure sympathique pour ce qu'il est : un disque en "one shot". La prestation devait être aussi visuelle, on se contentera de l'auditif, qui se rapproche assez fortement des incursions faites avec Fred Frith auparavant...