samedi 26 juillet 2014
MAKIGAMI KOICHI - Kuchinoha
Les parents de Mike Patton étaient d'origine japonaise, et grâce certainement à Ikue Mori qui est l'origine de sa signature sur Tzadik, on connait enfin son cousin japonais secret, avec coupe au bol en option. C'est Makigami Koichi, l'homme aux acrobaties vocales exceptionnelles. Plus sérieusement, on se demande vraiment si Patton ne s'est pas un peu inspiré des facéties vocales de Koichi, ce dernier étant un tout petit peu plus âgé que le père Patton. Premier disque du japonais sortis en 1995 sur Tzadik, période ou John Zorn tapait tout azimuth et offrait pas mal de chèques pour des artistes à l'identité forte afin de définir la direction de son label, avec notamment la section consacré au pays du soleil levant. Enregistré dans un studio new yorkais cette même année, Makigami Koichi officie complétement en solo une nouvelle fois, et enregistre en one shot ces neufs plages de travail aussi improbable que saugrenue. La différence avec Patton (j'y reviens toujours, mais la ressemblance est vraiment troublante par moment) provient peut être d'une influence japonaise parfois, et surtout le fait que Koichi semble interprété une histoire fictive avec plusieurs personnages, la ou le chanteur de Bungle s'appuie sur de la technique pure. Sinon, encore un disque aussi dingue que le Japon, à découvrir...
SYZYGYS - Complete studio recordings
Voilà un groupe japonais qui ne manque pas d’inspiration…Les Syzygys sont en fait un duo de jeune filles japonaises qui nous délivre une pop expérimentale vraiment toute trippée. Un disque qu'aucun label n’aurait pris le parie de sortir, de peur de ne pas rentrer dans une case étriquée de pop vendeuse, et donc de ne trouver aucun acheteur potentiel. Et pourtant, force de constater que la musique de Shirimu et de Nishida est en tout point exceptionnelle. Formation en binôme (Orgue 43 tone et Violon), les filles sont accompagné par plusieurs guitaristes et autres musiciens sur certains arrangements. J'avais déjà kroniké leur autre album sur Tzadik (voir cette même section), un live pour lequel j'ai une tendresse toute particulière puisque c'est l'un des premiers Tzadik que j'ai possédé et qu'on m'avait offert en 2001. Leur autre album (il n'y en a que deux) regroupe donc comme son nom l'indique tous les enregistrements studio du groupe, éparpillé entre 1987 et 1995, et disponible uniquement sur des éditions japonaises au tirage limité et indisponible depuis longtemps. Toujours cette pop à l'orgue déjanté au programme, tellement....japonaise dans le fond. Chant cristallin, Kitsch assumé, mélodies haute en couleurs, délires cosmiques, c'est du grand art Kawaii à ce niveau. Un superbe disque dont l'artwork est en parfaite adéquation avec le disque, c'est dire...
MAKAGAMI KOICHI - Koedarake
Les parents de Mike Patton étaient d'origine japonaise, et grâce certainement à Ikue Mori qui est l'origine de sa signature sur Tzadik, on connait enfin son cousin japonais secret, avec coupe au bol en option. C'est Makigami Koichi, l'homme aux acrobaties vocales exceptionnelles. Plus sérieusement, on se demande vraiment si Patton ne s'est pas un peu inspiré des facéties vocales de Koichi, ce dernier étant un tout petit peu plus âgé que le père Patton. 3eme disque du japonais sur la new japan serie sortis en 2005, le dernier en date. Avec un artwork que n'aurais renié mon petit cousin de 2 ans, on retrouve le lascar en solo sur 17 titres qui n'inspire rien d'autre que le fun. Du gros délire qui doit être autant visuel qu'auditif, Koichi étant parfois habité par plusieurs personnages dans sa tête. Après, pas besoin de faire des centaines d'heures d'analyse, il faut aimer ce genre de prestations, je suis pas archi client, les délires de Patton me suffisent dans ce domaine...
dimanche 20 juillet 2014
AYUO - Izutsu
Retour sur le premier disque de Ayuo sur la new japan sortis en 2000. J'avais déjà kroniké les deux suivants sur cette même section il y a quelques années, section que j'avais laissé un peu tomber par la suite sans que je sache vraiment pourquoi. Le japon risque donc d'être un peu plus à l'honneur prochainement ! Sinon, vous vantez les mérites de ce "Izutsu" jouissif me semble être une évidence, tant cet œuvre recherché et massive va vous transporter dans une vision old school phénoménale du japon. Ayuo s'en défend d'ailleurs dans le livret : il a grandis à NY, mais a toujours garder dans sa tête la vision ancestrale du Japon, Geisha, Théâtre Nô, et Machiya. Cette vision est simplement retranscrit en musique avec tous les instruments celtiques et traditionnels d'époque (Sitar, Harpe, Koto etc...). Puis des chanteuses qui interprètent des chants et incantations bouddhistes pour mieux nous mettre dans l'ambiance du pays du soleil levant. C'est absolument brillant de bout en bout, et un vrai masterpiece de la série pour qui aime ces sonorités anciennes. Je ne sais pas si ma préférence va à ce disque ou "Aoi", le débat est ouvert. Le compositeur a depuis nettement freiné son œuvre discographique (son dernier est "Aoi" de...2005 !) et s'est apparemment lancé dans une pièce de dance/théâtre qui reprendrai "Berlin" de Lou Reed et qui serait uniquement joué au Japon...
AYA NISHINA - Flora
Née au Japon, résidente de NYC depuis 2001, collaboratrice de Ryuichi Sakamoto, Cyro Baptista, ou Greg Osby entre autres, c'est évidemment sous l'impulsion de John Zorn que Aya Nishina s'est vu proposer de sortir son premier disque. Prés de 5 ans dans sa conception et sa réalisation, "Flora" voit le jour fin 2013 sur la composer serie de Tzadik, avec un artwork sobre mais classieux. Les inspirations de Aya pour chaque titre qui compose son œuvre sont assez précises et codifiés : les peintres se partagent le gros avec la peintre surréaliste Agnès Martin, la peintre japonaise issus de Fukushima Chieko Takamura, le peintre japonais Yayoi Kusama, et le photographe Chris McCaw pour une de ses exhibitions photos dans une galerie de NY. La compositrice garde aussi des souvenirs bien précis de ses grands parents qui la promène dans les jardins et lui apprennent tous les noms des plantes et fleurs, en garde un souvenir fasciné, faisant une corrélation entre la vie des plantes et celles des humains qui demeure peu différente dans le fond. D'où certainement le titre de l'album. Un disque magnifique qui consiste en une superposition de voix chantés toujours mélodique, beaucoup plus que dans l'approche de Zorn par exemple. Le disque devient vite autant lyrique qu'hypnotique et demeure une véritable beauté d'une douceur incomparable. Je ne suis habituellement pas très client des œuvres vocales, mais le premier disque d'Aya Nishina vaut vraiment le coup....
jeudi 3 juillet 2014
OTOMO YOSHIHIDE'S NEW JAZZ ENSEMBLE - Dreams
Cette voix, pour un début ! Euphorique ou brisée, on ne saurait trop dire. Ivre ? À coté ? Fausse ? Pour le solfège, sans doute, plus qu’à son tour : toujours ou presque à un ou deux grains de la note. Tellement juste pourtant dans ce qu’elle semble dire et dont on ne saisit mot. Si charmante, si brute ! Enfantine et assumée, dans ses dérapages : hors-ligne, juste à côté. Et cette valse déréglée, cette marche à la tête embrumée, les membres, les muscles, les os, les muqueuses engourdis, nostalgiques un peu, heureux de la nuit blanche que cette aube dissipe. La guitare qui trébucherait la cadence, pour un peu, délibérément, alors que les cuivres en remettent pour un tour dans le titubant magnifique, la processions de fifres aux séductions voilées. Ces échos de carillons liquides joués sur de vieilles machines à circuits imprimés (on le soupçonne à l’oreille, la lecture du livret le confirme). Et ce chant de gamine qui surenchérit, relance, cherche à monter encore, s’étrangle, hoquette : à mourir de rire mais à pleurer de joie. Tout ça est si étrange, étrangement touchant. Tellement immédiat dans son décalage tout de suite reconnu. Si… Tant… Tellement… Japonais ? Mais… Minute ! Si pour une fois on l’inversait, la fameuse proposition. La présomption d’exotisme. Otomo lui-même le soulignait quelque part : plus qu’ailleurs dans son pays, le reste du monde est Mystère, Étranger, forme exogène de vie, pratiquement. Autre. Des siècles durant, l’archipel a grandi, vécu presqu'en autarcie, régulant strictement ses échanges avec le continent proche (via la Chine, la Corée, essentiellement, et avec quelles ambiguïtés, quelle tensions, quelles méfiances, souvent…) ignorant délibérément, parfois hostilement le plus lointain Occident. Ses ouvertures partielles puis reniées, ses appropriations retournées contre leurs origines, aux renouveaux des nationalismes... Puis au milieu de notre vingtième, après-guerre, après-défaite, tout a déferlé, en vrac et sans choix, par voie d’Amérique alors déclarée neuve. Jazz, existentialisme, psychiatrie, radiations. Costumes trois pièces, bars-à-cocktails, attachés-cases et surréalisme. Plus tard, comme partout, invasion pop, psychédélisme, en même temps qu’explosions en formes libres, dans tous les domaines où se faisaient créations. Avec ceci de particulier, insiste Yoshihide : que reçus d’ici (enfin, de là-bas, pour nous…) ce débordement général des civilisations n’apportaient que des produits aux racines inconnues, détachées, nouveau-monde, littéralement. Dans le swing louisiannais, les big-bands, le bop, le free… L’Europe, l’Afrique même pouvaient se reconnaître -quelque ait pu être dans toutes ces théories la part du fantasme, des hypothèses point trop vérifiable- telles ou telles racines, harmonies, familiarités. Telle histoire, déchirement, collision, conflit ou bien libération. Vu du Japon tout ça n’était… Qu’Inléuctable Extérieur. Et toutes ces musiques, tous ces films, toutes ces intrigantes créations qui nous parviennent depuis lors en retour -pop hystériquement insouciante, bruitisme exponentiel, délires sur pellicule grattée ou direct-to-video des plus improbables… Tout ça ne serait pas, comme on l’entend souvent, caricatures, moqueries, outrances, gratuite surenchère. Mais tentatives. De comprendre. D’adapter ces formes imposées -mieux : de les investir en pleine conscience des liens manquants, de l’accidentel- à une culture en soi singulière, autonome, non-rapportée. Bien sur rien, jamais, n’est si tranché. La réalité -le monde tout simplement- les existences et ce qui s’y trame ne sauraient se calquer exactement à de tels théorèmes. Tous ceux qui jouent ici sont de générations où ces questions-là avaient depuis longtemps été brouillées, croisées, redistribuées. Les styles et les technologies. Le vieux DX7 de la new-wave européennes est une machine sortie d’usines à Osaka. Dans les kissa (leurs boîtes à jazz) on joue les même classiques tels-quels, passés, qu’à Paris, Milan, New York versant tourisme culturel. Il n’empêche… Le doute est semé des origines, des erreurs, du délibéré. Du sens des influences et de leurs circulation. Ces gens qui nous délivrent leurs flots, incroyablement changeants ET cohérents -chanson de taverne kabuki, shomyo-pop nimbée de cuivre ou d’ambiant brumisés, surchauffe de pur free…- sont nettement d’un autre quelque-part. Le choix des standards repris n’est pas forcément celui qu’on aurait fait, sous les latitudes de leurs origines (le Eureka de Jim O’Rourke, paradoxalement réchauffé, humanisé par la voix de Phew, dont aucune parole ne nous est compréhensible, ramené au jazz, par glissements, seize minutes et plus durant). La beauté entendue des jeux, même -très plastique, chaleureuse, parfois proche d’un jazz post-bop, moderne, devenu quasi-classique depuis tant de bouleversements, ici privé de ses soli brillants mais pas des son génie du jeu collectif- , l’évidence pop sont indiscernables des suraiguës endémiques exsudés par Sachiko M, des bizarreries pour cordes préparées de Yoshihide, du pur Incongru Kawaï des interventions de Jun Togawa… Malgré tout ce qu’on y reconnait, justement à cause de ça, on est perdu, baladé, charmé mais avec en motif assourdi, qui tourne au fond de l’écoute, la question de la destination. L’énigme est familière. Et donc insidieuse. Des rêves, nous dit-on. Avec tout ce qu’ils comportent d’irrésolu, d’intimement su, d’images réflexes et d’interprétations tordues. Le très occasionnel ennui -ou l’embarras curieux, plutôt- que sécrète leur coq-à-l’âne. Le plaisir qu’on peu prendre à s’égarer à leurs longues inerties. Tout ce qu'ils ont de plein et de zones aveugles. Et puis... Ces voix pour une fin ! Les arrachements de cuivres, le bruit blanc des amplis qui veulent passer directement du solide au gazeux, la même Phew plus tôt méditative qui s’enfle et s’abrase maintenant en rires démentiels de divinité guerrière… Et comme de juste, tout ce chaos qui devrait nous dissoudre nous jette, à la place, en jubilation. L’acmé coupé net, toute spéculation balayée, reste l’interrogation. De ceux-là qui jouaient, de nous qui avons été pris … Lesquels demeurent cette fois dans les songes des autres ? (review par Guts of darkness)
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