Source : the beautiful downgrade
Attention ! Ce Zorn ci fait peur à beaucoup. Ce n’est pas celui qui cajole les oreilles de douces mélopées où se rencontrent klezmer, jazz, americana, etc. Non, ce Zorn ci donne dans la complexité, dans la recherche aussi, il exprime la facette contemporaine d’un compositeur toujours aussi multiple, jamais vraiment là où on l’attendrait malgré l’immense diversité de son catalogue.
En l’occurrence, un instrument est mis à l’honneur sur ce Lemma : le violon. Et trois instrumentistes, (mais pas le « régulier » Mark Feldman, sans doute occupé alors à d’autres explorations) : David Fulmer, Chris Otto et Pauline Kim. Et trois sections distinctes habitant les 17 pistes de la livraison : Apohthegms, Passagen et Ceremonial Magic.
On commence par Apophthegms duo de violons entre David Fulmer et Christopher Otto, progression en douze courtes vignettes dans les méandres du cerveau Zornien à son "avant-gardissime" soit une musique se jouant de la mélodie (plus qu'en jouant) pour produire des effets, des impressions, des émotions différentes. La partition, en l'occurrence, n'épargne pas les bizarreries d'usage à l'auditeur même s'il lui arrive, c'est heureux, de s'apaiser jusqu'à évoquer furtivement Bach ou Bartók. Pas simple tout ça mais diablement attirant et, en définitive, réussi.
Suit Passagen et ses 14 massives minutes. Et quelle beauté ! Pas besoin de plus qu'une violoniste précise et passionnée telle que Pauline Kim pour habiter cette pièce pour laquelle Zorn avoue s'être inspiré de quelques œuvres de grands compositeurs ayant dédié une partie de leur art à l'instrument qui nous intéresse ici (le violon, donc, et, nommément, Bach, Paganini, Bartók et Carter). On reste, ceci dit, en Zornerie l'inspiration étant plus stylistique qu'harmonique... Et c'est parfait comme ça !
Last but not least, Ceremonial Magic, déjà présent dans une version rythmée dans Music And Its Double (avec Kenny Wollesen à la batterie), déjà joué alors par David Fulmer dont la maîtrise instrumentale et le feeling ne se démentent pas ici. Pas une découverte, donc, que cette suite en quatre mouvements, juste la confirmation de la grâce déjà entendue et ici confirmée mais pas forcément la pièce à la marge entre précision compositionnelle et improvisation échevelée qu'il nous avait semblé entendre précédemment tant la réplique présente s'approche au plus près de l'enregistrement originel.
On ne le niera pas, ce Zorn là, le Zorn contemporain, en déstabilisera certains. De fait, il faut connaître cette grammaire musicale, cet esprit à la fois revêche et ludique, cette volonté régulièrement réaffirmée de ne pas simplement "faire" pour pleinement goûter au festin présentement offert. Quoique les moments de pure grâce soient, finalement, suffisamment nombreux pour offrir une porte d'entrée viable à cet univers ô combien particulier.