Une évidence incroyable que l'association de Merzbow, le maître ultime de la noise extrême japonaise et du label expérimental new yorkais pour sa section japonaise. Il est encore plus incroyable de dire un mot sur ce "1930" sortis en 1998, et de savoir que Masami Akita continue inlassablement de sortir des disques années après années (discogs en ai pour l'instant à 536 enregistrements !) avec une régularité qui force l'admiration. J'aime le concept de Merzbow mais je suis comme l'auditeur moyen je pense : un petit peu à dose épisodique, j'en possède une vingtaine de disque et basta, on s'arrête la. Existe t'il sur cette terre une personne qui possède toute la discographie de Merzbow ? et qui donc en écoute tous les jours de l'année ? j'ai un doute la dessus mais j'en ressortirai épaté dans tous les cas. Il n'est nul besoin avec Merzbow de peser, d'intellectualiser, de conceptualiser la musique. L'expérience sonore doit se suffire à elle-même. Ici, on retrouve ce qui caractérise très souvent l'art de Masami Akita : accumulation de samples débités à toute vitesse, distorsion extrême des sons, fréquences hyper saturées et agressives, maintien sur presque toute la longueur du disque d'un même niveau d'intensité sonore très élevé... C'est-à-dire tout ce qui fait sa force (au niveau de l'impact physique du son, qui saisit et violente constamment l'auditeur, créant également un effet de transe), mais aussi, nécessairement, sa faiblesse (au niveau du manque de variation du volume sonore ainsi que de la texture d'ensemble, qui pousse à la saturation). 1930 est tout de même un bon cru : la gamme de sons et d'effets utilisés est variée, il a d'énormes montées d'adrénalines par moments, et l'on est rapidement entraîné dans l'ouragan, dans le déferlement bruitiste. C'est un furieux télescopage de bruits blancs, fracas de verre et de métal, assauts d'ondes courtes, qui vous mettra le cerveau en purée. Le titre de l'oeuvre fait sans doute référence à la grande crise économique qui frappa l'occident industrialisé durant cette décennie - et l'on peut donc voir dans cette heure de musique une métaphore de l'homme civilisé broyé par les machines qu'il s'est construit (mais en fait on s'en fout). Le meilleur de l'expérience arrive au dernier mouvement, là où précisément le Japonais ménage davantage ses effets, utilise des nuances, théâtralise sa composition - ce qui ne lui donne que plus de force.
Un petite anecdote finale : il pourrait y avoir de l'eau dans le gaz entre le compositeur et le label, car le disque est officiellement sold out via le site de Tzadik, or le label a toujours réédité tous ses enregistrements. Il est désormais un peu plus compliqué de se procurer 1930, mais il est encore assez facilement trouvable sur le marche de l'occaz...