dimanche 20 mars 2016

MARC RIBOT - Shoe string symphonettes

Avec tous les filmworks qu'ils avaient enregistré ensemble, il était quasi logique que John Zorn demande à son guitariste fétiche de faire un disque pour son label Tzadik, et en particulier pour la section "Film music". Or il se trouve qu'entre 1991 et 1996, Marc Ribot avait reçus quelques demandes de collaborations pour des films indépendants toujours très obscurs mais réellement présent. "Shoe string symphonettes" est la compilation des titres regroupés sur cinq films différents, avec une bonne poignée de musiciens différents selon les disponibilités et les studios d'enregistrement. On notera donc en vrac les présences de Los postizos (le groupe cubain de Ribot) pour quelques titres d'humeur latine, de la musique de chambre avec atmosphère inquiétante, de la musique baroque et romantique typiquement dans la veine d'une comédie sentimentale. Ribot ne s'est pas trop mis en avant avec ses guitares, laissant la part belle aux Ikue Mori, Greg Cohen, Jill Jaffe, Anthony Coleman, Dave Douglas, et encore de nombreux autres. Et une mention toute spéciale pour "Surf's down", titre de Surf music endiablé sur lequel on retrouve Ribot, Andy Haas au saxo, Cyro Baptista à la batterie et Mr Zorn Himself au saxophone. Un disque vraiment sympa de la part de Marc Ribot, et sa première incursion en son nom sur Tzadik...

KEIJI HAINO - Execration that accept to acknowledge

Un des premiers disques live de Keiji Haino sortis en 1993 sur un label américain, la date du concert étant strictement inconnu. La pochette résume dans le fond assez bien le contenu musical de l'ensemble. Le performer seul, avec sa gratte, son jack torsadé, son ampli et un micro. L'unique morceau de 41 minutes dévoile une guitare en totale distorsion tout le long. Mais une disto réellement sale, Noisy et dissonante à souhait. Quelques moments de silence se font entendre, avant de repartir de plus belle. Puis vient les incantations, voix claire et autres hurlements de harpies habituel du gaillard. Le performance pourrait relever de l'anecdotique si elle durait trois minutes, mais étant donné la longueur de celle çi, Keiji nous botte gentiment le derrière. L'improvisation est excellente et joue sur de bonnes vibrations pour nous tenir attentif jusqu'à la fin...

jeudi 17 mars 2016

KEIJI HAINO / YOSHIDA TATSUYA - Uhrfasudhasdd

Seconde collaboration sur Tzadik entre deux musiciens légendaires de la scène Nipponne plus que dépravé dans sa tête, Keiji Haino (ceux qui savent, savent) et Yoshida Tatsuya (Ruins, Painkiller, etc...). Je ne possède pas encore leur premier opus "New rap", mais étant donné le plaisir coupable et masochiste que j'ai pris à l'écoute de ce disque, vous pouvez être certain que je vais m'empresser de l'acheter. "Uhrfasudhasdd", un titre d'album qui en dit long sur les intentions du duo, sachant que les seize titres ont des noms du même acabits. Le disque démarre sur une complainte habituelle de Keiji avec un petit arpège gentillet, puis c'est le chaos : un déferlement de violence et de folie comme rarement on l'a entendu. Haino reste dans sa zone de confort en jouant de la guitare, flûte, et nous gratifiant de sa voix précieuse. Tatsuya officie à la batterie (évidemment...) mais aussi aux claviers et à la basse. On sent ensuite que le groupe s'est beaucoup amusé en studio, éditant toutes les parties émises, et en les superposant habilement pour faire souvent de vrais bons morceaux de "rock" dira t'on à défaut d'autre chose. Car il est pour sur extrêmement difficile de qualifier une musique aussi indescriptible et barrée. Mais le disque ne ressemble en aucun cas à un brouhaha sonore, on a affaire à une véritable expérience expérimentale ludique et plutôt fun. Yoshida Tatsuya semble tenir la baraque rythmique à flot (quel monstre de précision et de folie !), tandis que Keiji Haino fait du lui même, mais autant dire que le duo fonctionne carrément bien. Au final, une des meilleures collaborations de Tzadik, pas plus, pas moins !

KIKURI (Keiji Haino / Masami Akita) - Pulverized purple

Planquez vos grand-mères ! Les québecois des Disques Victo n’ont rien trouvé de mieux à faire que de réunir les deux japonais fous (pléonasme) sur le même disque ! Plus précisément, c’est sur scène qu’ils les ont réunis, car les musiques concrètes, expérimentales et bruitistes ont la côte chez nos cousins d’outre-Atlantique qui fédèrent ces genres sous la très souple appellation « musiques actuelles ». Une bonne surprise attend les auditeurs masochistes que vous êtes, impatients d’en savoir plus : c’est clairement Haino qui mène la danse comme en attestent les titres incompréhensibles, ce qui rend le tout passablement instable et beaucoup plus chaotique que prévisible et rentre-dedans. Masami semble surtout là pour souligner les démences de son confrère, qu’il s’agisse de passages ambient où Haino maltraite divers instruments à cordes pour des raisons occultes (la séquence hantée de ‘That Which Will Rise…’, mais aussi le début de ‘By Mischance…’), ou de jouer à qui fera le plus de boucan entre la glossolalie possédée, la batterie arythmique et le mur de bruit (le monstrueux ‘Give Me Back…’ qui semble avancer comme un tank à pattes mécaniques dans un tunnel de flammes) ou, surprise, de se mettre derrière les fûts pour un duo de batterie cauchemardesque, ce qui m’amène à parler de l’éponyme ‘Pulverized Purple’ qui mériterait une chronique pour lui tout seul : une demi-heure de doom apocalyptique ionisé à bloc qui décharge son électricité à tout bout de champ, avant de se transformer en harsh-noise rock d’une rare violence, le tout clôturant sur un ouragan infernal avec Haino qui hurle et s’étrangle en premier plan, comme s’il le Diable lui éjaculait sa propre folie en pleine face. On ressort du voyage déconfit, scié, pulvérisé, heureux de savoir que ces deux là sont décidément fait l’un pour l’autre tout en se rassurant qu’ils ne s’invitent pas à notre table. (review par Guts of darkness)

mercredi 16 mars 2016

AMBARCHI / O'ROURKE / HAINO - Tima formosa

Avant la reprise des chroniques de l'œuvre de John Zorn pour bientôt, j'ai décidé de m'atteler auparavant à me pencher sur une autre vision qui me fascine depuis pas mal d'années, un compositeur et musicien hors norme d'origine japonaise qui défie toute classification académique, celle de Keiji Haino. Si la plupart d'entre vous n'y sont pas étranger, c'est qu'il a sortis quelques disques sur Tzadik dans divers projets dont je mettrai un coup de projecteur prochainement. Il a cependant aussi sortis une pléthore de galettes sur de nombreux labels différents, que je ferais découvrir progressivement. En ouverture, cette collaboration de 2010 entre Oren Ambarchi (deux disques TZ sur la radical jewish culture) présent ici à la guitare, Jim O'Rourke (un disque TZ sur la composer serie) qui officie au piano, et Keiji Haino qui exécute seulement les voix et quelques samples et éléments électroniques (voire une flûte stridente par moment). 3 plages, et 1 heure de set enregistré en live et en totale improvisation sur fond de drone bourdonnant, dérive expérimentale prenant, et voix ensorcelante et malsaine. La musique se révèle vraiment cathartique, une récurrente dans l'œuvre de Haino. D'où certainement le titre de "Tima Formosa", qui désigne une colonie d'Hydrozoaires du pacifique. Une très belle collaboration, avec une sympathique pochette signée Stephen O'Malley...

dimanche 13 mars 2016

MOTOR HUMMING - Musical aluminum

Unique disque de ce groupe sortis en 1999 sur la New Japan. Venant droit de la scène de Kansai, Motor humming était un power trio classique qui a donné à l'époque sa vision tout personnelle et japonaise du rock. La tranche Tzadik en rajoute une fois de plus en parlant d'un mélange entre "punk-hardcore, improvisation, metal, funk et fusion" pour un résultat proche de Melt Banana. Or non, ce raccourcis s'avère assez foireux, Motor Humming ne possédant pas du tout la veine furieuse et atomique du groupe de Yasuko et Agata. Idem avec les comparaisons avec Naked city, Ruins ou les Boredoms. Le combo qui ressemble le plus au contenu des 16 titres reste peut être Massacre, avec son Math-rock instrumental complexe et tortueux. Oui, le groupe fait preuve d'une technique imparable, et l'ensemble se révèle dans un esprit cartoon et décalé typiquement japonais. Le trio a vraiment l'air de s'éclater en studio et c'est avec plaisir qu'on découvre leur fusion. Quelques titres trainent sur le net, et vous trouverez "Musical aluminum" pour pas cher et sans grande difficulté, ce volume Tzadik n'ayant pas du être un best seller, on l'imagine. Le petit robot de la pochette est pourtant rigolo...

lundi 7 mars 2016

PETER SCHERER - Cronologia

2eme référence historique de la section Film music de Tzadik sortis en 1996, "Cronologia" est la seule incursion de Peter Scherer sur Tzadik. Né en Suisse, après avoir étudié la composition avec Ligeti et Terry Riley, il débarque à NY au début des années 80 et s'immisce dans la downtown scene de l'époque, faisant de nombreuses rencontres clés. Il a produit plusieurs disques de Laurie Anderson, joué du clavier sur plusieurs disques de Marc Ribot, Bill Frisell, Nana Vasconcelos, David Byrne, Deux Filmworks de John Zorn et même un opus d'Etienne Daho entre autres. Il est le fondateur du groupe Ambitious lovers avec Arto Lindsay, dont les 3 album sont hautement recommandable. Il a assez peu œuvré en solo : Trois bandes sons de films, Deux opus (avec Lindsay et Don Li) et cette œuvre Tzadik dont on devine aisément qu'elle a été la demande de Zorn. "Cronologia" regroupe 13 titres couvrant 4 films différents. L'ensemble demeure assez cohérent et forme un bloc de musique à tendance ambiant. Scherer y officie avec une guitare préparée et un sampler comme unique instrument. Exploration sonique, nappes évasives, sonorités nouvelles, le disque est en tous point séduisant et décline un certain nombres d'atmosphères. On saluera aussi le renfort sur certains titres de Cyro Baptista et Nana Vasconcelos aux percussions et de Zeena Parkins à la Harpe. Peter Scherer a fait preuve à l'époque de sensibilité et c'est une musique subtile qui se dévoile à nos oreilles sur "Cronologia", en faisant un chouette chapitre de la section.

mardi 1 mars 2016

ELLIOTT SHARP - Figure ground

Retour de la section Film Music après 7 ans d'absence, que le temps passe vite. Je reprend le cours de la section en rapport avec la dernière chronique en date, le second disque d'Elliott Sharp "suspension of disbelief" sortis en 2001. Mais un précédent volume avait vu le jour en 1997, certainement l'une des premières incursions de Sharp au sein du label de son pote Zorn. Hélas, en comparaison, "Figure ground" ne fait franchement pas le poids avec son successeur. Couvrant les bandes sons de quatre films différents, la tranche Tzadik nous apprend que le musique présente est aussi excentrique que son compositeur. Mais excentrique est un bien grand mot dans ce cas de figure précis. Mash up vulgaire, ce disque représente une certaine quintessence de tout ce qu'on peut détester dans la musique expérimentale : du bidouillage sans queue ni tête, une trame directrice inexistante, des sonorités parfois intéressantes, mais aussi souvent horripilantes. Une vingtaine de plages sont présentes, certaines parfois assez courte, ou on aperçoit autant de tricotage d'instruments en solo, voir des digressions électroniques pénible. La dernière piste de "Figure ground" qui s'intitule "The salt mines" (couvrant un documentaire traitant de trois prostituées travestis latino et junkies qui vivent dans des camions désaffectés prés des entrepôts de NY ou réside le stockage de sel pour couvrir les rues enneigées lors de l'hiver) relève un peu le niveau sur sept minutes. Mais l'ensemble reste trop faiblard pour en faire un bon disque, tandis que cette section de Tzadik recèle de perles à découvrir...