samedi 31 mai 2014

TOBY DRIVER - In the L..L..library loft

Fort de sa première incursion sur Tzadik avec Kayo dot en 2003, Toby Driver (leader et tête pensante du groupe) revenait en 2005 avec un album solo qu'il aura mis plusieurs années à réaliser si on en croit l'obi du label. Peinture de son auteur en couv', et plusieurs musiciens de Kayo dot, ainsi que quelques guests pour un disque de quatre longues trames sonores dépassant toute les dix minutes. Toby a toujours été fasciné par la corrélation possible entre les rêves et la musique, mais dans son premier titre "Kandu vs Corky (horrorca)", il nous enfonce dans un tourbillon cauchemardesque assez ahurissant. Une ambiance poisseuse, une répétition malsaine, des cris de déments, et le chaos s'empare puissamment de notre cerveau, c'est brillant et irritant en même temps, à moins d'être un vrai paranoïaque. Les trois autres titres flirtant avec de l'ambiant reposé mais sombre ou du néo-classique avant gardiste recherché. Un bel ouvrage subversif et expérimental à souhait, recommandé pour les plus torturés d'entre vous...

lundi 26 mai 2014

ADAM ROBERTS - Leaf metal

Nouveau venus dans l'écurie Tzadik, Adam Roberts est un jeune compositeur ayant étudié à l'école de musique de Vienne et à l'université d'Harvard. Il enseigne actuellement la composition à Istanbul. "Leaf metal" se compose de cinq compositions assez différentes : "Sinews" et "Anakhtara" développe la composition solo du violon et du violoncelle (joué par Gabriela Diaz et Benjamin Schwartz) sur une trame sonore tantôt évasive, tantôt démonstrative. Le premier titre est un string quartet tout ce qu'il y a de plus classique, ni forcément mauvais, mais pas non plus mémorable. En revanche, l'approche d'Adam sur les deux morceaux suivants attirera grandement les fervents de nouvelles sonorités et d'innovation musicale. "Strange loops" est comme son nom l'indique une succession de boucles étrange, composé pour un orchestre de chambre (15 musiciens, tous français pour le coup puisque la pièce a été enregistré à Lyon) et des éléments électroniques. Bizarre mais captivante, cette trame hypnotique et répétitive est une vraie réussite et d'une richesse harmonique bluffante. Enfin, "Leaf metal", pièce éponyme du disque avec ses 15 minutes au compteur a été composé pour un grand orchestre d'une quarantaine de musiciens pour une majeure partie d'instruments à vents (même si on décèle aussi des percussions, harpes, etc...). Cette pièce, d'une richesse incroyable, affirme sa grandiloquence confirmée par le grand nombre de musiciens : dramatique, folle, surprenante, angoissante, c'est une œuvre majeure fantastique et un vrai plus pour le premier chapitre Tzadik de ce jeune compositeur...

lundi 19 mai 2014

FRED FRITH - Back to life

J'aime beaucoup Fred Frith. Je ne possède malheureusement pas sa discographie complète, qui demeure dans ma want-list depuis un moment, mais j'ai toujours aimé les opus qui ont vu le jour sur Tzadik. Outre ces talents outranciers de guitariste, Frith s'est plusieurs fois essayé à la composition de musique de chambre (2 fois par le passé sur Tzadik) et ce dernier volume en date datant de 2008 nous rappelle ces compétences en la matière, même si elles sont moins fréquentes que son comparse Zorn par exemple. Frith, c'est la classe et la sobriété : loin d'en faire des caisses ou de jouer sur un minimalisme abscond, sa musique est toujours juste, posée, parfaitement assimilée pour un ressentis parfait dans le genre. "Back to life" en est un parfait exemple. Le disque remplis jusque ras la besace propose des compositions écrites entre 1993 et 2006, principalement pour le piano solo, les percussions (ou on retrouve le californien William Winant) et des séries de mini-orchestre. Je retiendrais principalement la pièce langoureuse et posée "Elegy for Elias", d'une justesse et beauté évidente, mais l'ensemble du disque sonne particulièrement cohérent et recherché, un plaisir pour les amateurs de musique de chambre moderne...

lundi 12 mai 2014

JOSE MACEDA - Gongs ans bamboos

Compositeur, professeur, théoricien, ethno-musicologiste, autant dire que José Maceda est un des compositeurs les plus sous estimé de la musique contemporaine. Né à Manille aux Philippines, il entame une carrière de pianiste à Paris, avant de se retourner vers l'éducation en devenant professeur dans notamment plusieurs universités américaines très connus (il est titulaire en 1963 d'un doctorat à la fameuse université d'UCLA). Il est notamment le principal responsable du développement de la musique concrète dans son pays natal, introduisant entre autre Pierre Boulez ou Edgard Varèse au public philippin. Quelques enregistrements du compositeur était sortis au Japon mais c'est Tzadik qui sortira en 2001 la première œuvre de Maceda dans le grand ouest occidental. Il aura passé une grande partie de sa vie à écrire et à composer des trames sonores grandiloquentes et certainement beaucoup trop abstraites pour le grand public. "Pagsamba", la première pièce du disque dure trente minutes et formé pour un ensemble de 241 musiciens (!) dont vous pouvez retrouvez sur la pochette le placement stratégique lors de l'enregistrement dans une chapelle en 1968. Il en va du même acabit avec les deux autres longues pièces de l'opus, avec la particularité que l'un est produite par Chris Brown et conduite par Fred Frith, tous les deux profs au Mills college d'Oakland (et par ailleurs sur Tzadik aussi, on comprend mieux la signature de Maceda). Difficile de décrire un tel disque : Maceda aura pris soin d'introduire la musique traditionnelle d'Asie vers une intellectualisation et une approche hautement technique et théorique, en témoigne toutes les nombreuses notes internes du livret. Musicalement, beaucoup de chœurs, de gongs divers et de bambous divers (comprendre par la des instruments à vent asiatique), font des compositions des espèces des magmas sonores cathartiques qui tirent indéniablement vers une forme de drone. Voila un disque unique dans son genre qui a frôlé la "Lunatic fringe" en tous cas, une vraie curiosité à découvrir.

dimanche 11 mai 2014

WAYNE HORVITZ - Whispers, hymns and a murmur

Après un premier disque absolument fantastique sur la série des "film music" (qui devrait d'ailleurs reprendre sous peu...), Wayne Horvitz, compagnon d'arme mythique de John Zorn au sein des non moins mythiques Naked city, sortait en 2006 son second opus pour le label. Avec son titre mystérieux, on notera d'ailleurs que le claviériste n'a plus rien sortis depuis pour le giron new yorkais. Malgré sa chouette pochette toujours un brin arty comme à l'accoutumée, ce volume de la section composer serie ne vaut qualitativement pas grand chose par rapport à son prédécesseur mentionné plus haut, même si ils n'ont rien à voir, j'en consent. Mais pour le coup, le string quintet qui évolue ici (dont le reconnu Eyvind Kang) donne un peu dans le chiant à tous les étages. Ca se veut "lyrique, romantique, afin de créer un monde hypnotique remplis d'émotions cachées". La tranche de Tzadik fait tout dans la retenue une nouvelle fois, mais je me suis assez emmerdé à l'écoute du disque, il ne se passe grand chose en fin de compte si on prend un peu de recul. Et le rôle de Wayne Horvitz à l'electronic processing m'échappe complètement, il a juste donc fait le mixage en gros ? Vous l'aurez compris, il y a des œuvres plus marquantes que d'autres sur le riche label Tzadik, vous savez ou situer celle çi, mais reportez vous sur le "film music 1998-2001" du même auteur, je l'ai réécouté pour l'occasion et il est toujours aussi excellent...

mercredi 7 mai 2014

PETER GARLAND - Love songs

Peter Garland est un traveller, on s'en rend compte clairement en lisant sa biographie : il n'a jamais cessé de voyager entre 1973 et 2005, visitant des dizaines de pays, s'imprégnant sans cesse de multiples cultures, rencontrant de multiples personnes au grés de ses périples (il était proche entre autre de John Cage, Harry Partch, ou Colon Nancarrow). Si la Californie est son pays d'adoption (c'est l'endroit ou on était enregistré toutes les pièces du disque), il est tombé amoureux du Mexique plus particulièrement, s'y installant à plusieurs reprises, puisant ainsi son inspiration dans la musique amérindienne et la musique rituelle mexicaine. Après des dizaines d'années de voyages, il vit aujourd'hui une retraite paisible dans le Maine. Compositeur parmi les plus méconnus de la seconde génération des minimalistes de la West coast, il a cependant toujours eu le soutien indéfectible d'une personne qui adore sa musique : John Zorn. Après deux disques sur Avant, le label japonais pour qui Zorn fût le directeur artistique entre 1992 et 1995, Peter Garland a naturellement bifurqué sur Tzadik afin de sortir la suite de ces travaux. Second disque sortis en 2005, "love songs" se veut une documentation pour couvrir la collaboration entre Peter Garland et le percussionniste William Winant (bien connu des amateurs, ayant joué entre autre avec Mr Bungle, et aussi producteur du disque pour le coup). On retrouve ce dernier sur les trois compositions majeurs : "Coyote's bones" datant de 2001, une très belle pièce hypnotique pour violon, piano et marimba. "Matachin dances" (datant de 1981 !) est une longue pièce pour percussion et violon sur laquelle œuvre notamment Timb Harris (membre des secret chiefs 3) ou l'on retient se violon éparse, mais qui manque d'accroche pour vraiment captiver. Puis "love songs" (1993) ou l'on retrouve le Abel-Steinberg-Winant trio que Zorn a notamment utilisé sur certains de ses disques. Un volume passe partout de la série que l'on retiendra surtout pour sa superbe première composition...

dimanche 4 mai 2014

PAOLA PRESTINI - Body maps

Paola Prestini est une jeune compositrice née en Italie, qui a grandis au Mexique et qui réside de nos jours à NY, elle est co-fondatrice du Vision  into art, un collectif de musiciens qui gère l'univers musical de pièces de théâtre, de musée, ou d'évènements divers. Son premier disque pour le label Tzadik nous montre ses talents de compositrice et on a ici affaire à un chapitre très classique de cette section composer : Six compositions différentes forment le disque, qu'il ne s'agisse pour piano solo (avec d'ailleurs le collaborateur de Zorn, Stephen Gosling), pour Marimba à 5 octaves, pour clarinette et électronique ou pour deux ensembles différents de plusieurs instruments. Paola s'est servis de ses nombreux voyages ou d'évènements divers comme inspiration pour la création de ces pièces à l'univers assez différents. Artiste complète dont on entend plusieurs fois la voix, la jeune compositrice nous livre un chapitre Tzadik qui manque peut être de prise de risque et que je qualifierais de "convenue". Peut être que certaines compositions prendraient une autre dimension avec un support visuel, l'optique dans laquelle elles ont été conçus. Mais parmi le vivier colossal du label new yorkais, "body maps" apparaît plutôt se placer dans les œuvres secondaires...

ANNA CLYNE - Blue moth

Anna Clyne est une jeune compositrice née en 1980 à Londres, et qui est actuellement à résidence dans la symphonie de Chicago. Magnifique peinture de Josh Dorman en couverture, vous pouvez aller voir son site pour en voir beaucoup d'autre, et j'ai trouvé ça plutôt bien car le gars à une parfaite maîtrise de son univers et on reconnaît sa "patte". En ce qui concerne Anna, c'est à peu prés pareil en fait : son concept est le même tout au long du disque, à savoir maîtriser éléments acoustiques et electro-acoustiques au sein de morceaux d'une dizaine de minutes ou à chaque fois l'instrument change. On retrouve donc plusieurs musiciens qui interprète une trame qui sera ensuite malaxer et déformer sur bande par la compositrice. "Rapture" avec sa clarinette tape carrément sur le système, "Choke" avec le saxophone baryton donne presque un petit coté zornien, "Roulette" avec son string quartet s'impose comme de l'avant garde classique, puis les autres compositions avec divers instruments s'imposent avec des passages ambiant ou electro assez séduisant. On est vraiment dans un registre expérimental, et la vision proposé au sein de "Blue moth" demeure vraiment intéressante, peut être pas si innovante que ça dans le cadre de Tzadik, mais clairement hallucinatoire pour une audience étrangère à ce type de sonorités. A découvrir avec plaisir...

samedi 3 mai 2014

PIERRE YVES MACE - Faux jumeaux

Il faudrait consulter les archives de Tzadik, mais je pense sans trop me tromper que Pierre Yves Macé a était le deuxième français à être signé sur le label de John Zorn, après un disque de Luc Ferrari. Si aujourd'hui il y a plusieurs groupes/artistes français présent dans le giron new yorkais, c'était plutôt ardu en 2002 d'y figurer, notamment avec Internet moins développé et a seulement 21 ans en ce qui concerne Macé ! Une superbe pochette orne le disque, on se dit aussi que le contenu ne doit pas être merdique pour que les américains aient pris la volonté de sortir l'œuvre : je pense qu'il s'agit d'un des meilleurs volume de la composer serie, du moins à mes yeux. Quatre trames sonores se partagent le disque, entre 7 et 22 minutes, mais les titres forment un ensemble cohérent aussi raffiné que surprenant, et qui s'écoute certainement d'un bloc. Le principe de base du jeune compositeur était de mélanger une musique accessible ("française et romantique" selon le label) avec des éléments électro-acoustiques, parfois des instruments samplé, et un minimalisme toujours juste et captivant. Toute une série de musiciens donne vie au disque (violon, harpe, clarinette, marimba, flûte, piano et de multiples percussions) puis on sent que le disque a par la suite été retravaillé pour donner un résultat franchement saisissant. Jouant parfaitement avec la texture du son, les passages de silence, les sonorités innovantes, les bruits et ambiances qui transporte dans un univers presque cosmique (comme ses bruits de pas, ces instants de vie capturé dans Paris pour illustrer les buttes-chaumont), c'est vraiment un belle ouvrage. Voici presque d'ailleurs implicitement ma vision de la musique expérimentale : des sonorités nouvelles afin de transporter l'auditeur dans un univers innovant et inexploré. "Faux jumeaux" remplis cette fonction à merveille...

vendredi 2 mai 2014

DAVID SOLID GOULD vs BILL LASWELL - Dub of the passover

Si on reprend un peu l'historique de la radical jewish culture de Tzadik, on s'apercevra que le premier disque de David Gould pour le label "Adonai in dub" (sortis en 2001, kroniké sur ce site) était en fait une relecture dub et fumante de Jamie Saft pour le compte de Zorn, le disque originel "Adonai and I" ayant vu le jour sur un autre label. Evidemment, après la sortie de l'excellent "feast of the passover", on est à moitié surpris de voir ce "Dub of the passover" voir le jour, reprenant exactement le même concept qu'il y a dix piges. Et pour varier les plaisirs, c'est cette fois Mr. Bill Laswell qui s'y colle, et qui est certainement un des gars les plus légitimes pour ce genre d'exercice étant donné ces nombreuses incursions dans le milieu reggae-dub roots, et ses remix de Bob Marley, entre autres. L'album d'origine est déjà bien cool, Billou n'a pas eu besoin de faire des miracles dans ces "traductions dub" pour faire un solide album enfumé et aérien. De la grosse basse, de la reverb', des beats lents, de la caisse claire mode aéroport, des bidouillages électroniques et de la weed plein le cerveau, voila les ingrédient de la formule rodée et toujours réjouissante, surtout dans le cadre de Tzadik qui sort des disques dans ce genre tous les dix ans en fait...

JOHN ZORN - On the torment of saints, the casting of spells and the evocation of spirits

17eme volume des travaux de chamber music de John Zorn. Avec le temps, on peut légitimement penser qu'il apprécie de plus de plus les travaux de ce type : plus mystique, plus technique, plus réfléchie, plus exigeant, plus captivant, "plus"....L'abandon récent des filmworks, la réduction des projets plus extrêmes ou les concerts diminuant tendent à nous le confirmer.

Peinture de Salvador Dali en front, des peintures de Goya et Michelangelo à l'intérieur, et trois compositions principales, dont deux qui m'ont un peu redonné du baume au cœur dans la vision classique de Zorn, les deux derniers volumes en date étant assez plat et redondant selon moi.
"The tempest" débute les hostilités pour une formation en trio assez inhabituelle, à savoir clarinette, flûte et batterie. De plus, la batterie reprend pas mal d'éléments du free jazz, avec une approche qui semble autant spontanée qu'hyper technique. Zorn montrera d'ailleurs à Nathan Davis diverses techniques qui lui en sera très reconnaissant. L'influence principale de la pièce est une des dernières pièces de théâtre sans nom de Shakespeare.

"All hallows' eve" est une longue pièce d'une quinzaine de minutes dédié donc à la fameuse fête plus connu sous le nom d'Halloween (le titre en est donc une contraction d'époque). En dépit de son nom d'origine chrétienne et anglaise, la grande majorité des sources présentent Halloween comme un héritage de la fête païenne de Samain qui était célébrée à la même date par les celtes et constituait pour eux une sorte de fête du nouvel an. Halloween est ainsi connue jusqu'à nos jours sous le nom de Oíche Shamhna en gaélique. Elle est une fête très populaire en Irlande, Écosse et au Pays de Galles où l'on trouve de nombreux témoignages historiques de son existence. Jack-o'-lantern, la lanterne emblématique d'Halloween, est elle-même issue d'une légende irlandaise. Dramatique et sombre comme elle se doit, c'est un string trio qui donne à cette pièce Zornienne convenue dans le genre, mais qui est une nouvelle fois brillamment écrite.

La Tentation de saint Antoine est le titre de nombreuses œuvres traitant du thème de la tentation d'Antoine le Grand : ce saint, retiré dans le désert d'Égypte, y subit la tentation du Diable sous la forme de visions des voluptés terrestres. Il existe effectivement de nombreuses œuvres pour représenter cette thématique (Dali dont la peinture orne la pochette, puis beaucoup d'autres...), Zorn aura mis 10 jours pour apporter sa pierre à l'édifice en février 2012. Cette pièce épique est présenté comme un mini concerto au piano qui serait opposé à d'autres instruments. Construits sur des épisodes évoquant les rêves et les cauchemars, la musique est décliné avec des détails rythmiques, mélodiques et des textures qui organisent les tentations et le dialogue philosophique entre Saint Antoine représenté par le piano, ses détracteurs (un string quartet et un Wind quartet complet) et les voix éventuelles venant du désert (représenté par un cor d'harmonie). Au final, une très belle pièce riche en rebondissements et en découverte, superbement interprété sans maitre d'orchestre, et assurément une des meilleures réussites de Zorn dans son exploration de la musique de chambre...