vendredi 28 mars 2014

JOHN ZORN - The book of heads

Dernier rescapé des travaux de John Zorn pour la composer serie "old school" que je n'avais pas chroniqué. "The book of heads", un disque résolument à part dans la discographie du compositeur, A la même période que le fameux "the classique guide to strategy" ou Zorn étudiait en profondeur les sonorités possibles au saxophone alto, il composa aussi en 1978 la même chose mais pour la guitare, des travaux destinés à être interprété par Eugene Chadbourne à la base. Etant donné que ce dernier est encore en activité, on ne saura jamais trop pourquoi ce n'est pas lui qui enregistra ce disque, puisque John Zorn Et Chadbourne étaient très proche dans les années 80. Le disque fût enregistré en 1995 au début de la création de Tzadik, étant l'une de ses premières références historiques, et Zorn demanda à un jeune guitariste peu connus mais immensément talentueux de l'interpréter : Marc Ribot. Un constat cependant logique de nos jours, Ribot étant de loin le guitariste le plus impliqué dans l'œuvre Zornienne. "The book of heads", soit la guitare expérimentale dans sa plus grande décadence, 35 études barrés qui mérite plus d'être visualisé que d'être écouté (beaucoup d'objets divers sont utilisés, à la manière de Fred Frith). Selon Marc Ribot, cette œuvre fit évoluer son approche de la guitare. Pour nous auditeur, voici une œuvre subversive intéressante et créative, mais difficilement écoutable régulièrement, de par son approche hautement "théorique" dirons nous poliment...

JOHN ZORN - Filmworks XXIV (The nobel prize winner)

Poursuite rétrospective de la série des filmworks de John Zorn, débuté en 1986 et se poursuivant inlassablement de nos jours. On retrouve tout cette série dans la archival serie de Tzadik, qui couvre tous les enregistrements que sort le compositeur new yorkais de nos jours. Le Filmworks XIVI voit le jour en 2010 pour être la bande son d'une comédie noire hollandaise de Timo Veltkamp pour raconter l'histoire d'une ancienne gloire de l'écriture qui demande à un jeune auteur talentueux mais sans succès de l'aider à finir son œuvre.

Filmé en noir et blanc, cette comédie cynique et brillante est extrêmement réussi selon la critique. Le compositeur Van Dyke Parks devait normalement s'atteler à donner une vie musicale au film, mais des soucis de planning firent capoter l'affaire. Quelques titres de Zorn avaient été incrustés dans les divers essais de montage, le réalisateur demanda en toute logique si ce dernier voulait s'en occuper, et il accepta avec plaisir. John Zorn ne vit pas trop par ou commencer, pensant d'abord à n'utiliser que des effets sonores sans instruments. Après plusieurs visions, le compositeur décida qu'il fallait quelque chose de plus intimiste et personnel pour faire rentrer le spectateur plus profondément dans l'histoire, le piano solo fût d'abord envisagé, à l'instar de la bande son de David Shire "The conversation" de Coppola. Veltkamp approuva totalement l'idée, mais suggéra d'amener plus d'instruments pour la variété des sons, l'option piano trio se dégagea assez facilement, Trevor Dunn à la basse, Kenny Wollessen à la batterie et Rob Burger au piano furent appelé en studio.

Ecrit lors d'une seule journée de dimanche pluvieux, la musique composée par John Zorn couvre ici une palette d'émotions différentes pour caler aux diverses scènes du film. Comparé à ses récents travaux assez difficile techniquement à ce moment la, les compositions simples et intuitives présentes sur ce volume fut un vrai plaisir à enregistrer pour les musiciens, décontractés et inspirés, qui ont fait un superbe travail il est vrai. Section rythmique parfaite, et un piano souvent tendre et juste.

John Zorn finit ensuite ses notes en nous expliquant que cette collaboration a été très agréable de bout en bout, mais qu'il émet des doutes sur sa volonté à poursuivre cette série car ça n'a pas été souvent le cas, les réalisateurs et leurs entourages étant de plus en plus investis dans la direction musicale que doit prendre un projet de film, brisant la confiance entre le réalisateur et le compositeur, aliénant toute vision de créativité et de spontanéité. Il est impossible pour le new yorkais de travailler dans cet état d'esprit, la liberté d'action étant de plus en plus réduite ; même si il est toujours attiré par le format des "travaux de films", que la musique est souvent sublime dans ce cadre (même si son utilisation peut être raté), et qu'il souhaite toujours que ses travaux parviennent à satisfaire un réalisateur, John Zorn est désormais convaincu qu'il lui est impossible de créer de la musique pouvant plaire a tous le monde hormis à lui même et ses musiciens...

mercredi 26 mars 2014

MATTHEW BARNSON - Sibyl tones

Jeune compositeur né dans l'Utah, ayant étudié à l'université de Pennsylvanie et de Yale, et résident de nos jours dans Manhattan (un poil plus haut que le downtown pour être précis), Matthew Barnson a également enseigné la composition entre autre à Yale et la théorie musicale à la third street music school de NY. Son premier disque pour Tzadik avec sa pochette psychédélique se retrouve directement dans le giron de la composer serie puisqu'on est ici en plein dans la musique classique contemporaine. Au programme, du string quartet uniquement, décliné en 3 pièces, dont une principale qui dure pas moins de 47 minutes (!). Les influences de Matthew sont variées et complexes : Roland de Lassus, les peintres Monnet et Cézanne que nous autres français connaissons bien, ou encore Gerhardt Richter, peintre allemand de renom. Un processus qu'on imagine long et intuitif pour atteindre des compositions dramatique et expressive, composé de moments d'accalmie et de déviances de cordes. Le processus est expliqué dans le livret, et le rendu est vraiment brillant pour tout amateur de string quartet (John Zorn s'emploie d'ailleurs souvent a gratifié la série de cette formation, considéré comme la plus noble et la plus complexe pour la composition). Deux quartet différents s'exécute aux instruments, jouant tous avec une justesse incroyable, certainement tous de sacrés musiciens de conservatoire. "Sibyl tones" est un bon disque jouant sur tellement de textures et ambiances qu'il en devient captivant, une bonne pioche en ce début d'année 2014...

lundi 17 mars 2014

JOHN ZORN - Filmworks XXIII (El general)

Poursuite rétrospective de la série des filmworks de John Zorn, débuté en 1986 et se poursuivant inlassablement de nos jours. On retrouve tout cette série dans la archival serie de Tzadik, qui couvre tous les enregistrements que sort le compositeur new yorkais de nos jours. Le Filmworks XXIII voit le jour en 2009 pour couvrir un documentaire sur la vie du controversé président mexicain Plutarco Elias Calles (au pouvoir dans les années 20) et considéré comme l'un des pères fondateurs du Mexique moderne.

En juillet 2008, Marc Ribot informe John Zorn que l'une de ses bonnes amies Natalia Almada avait envisagé de faire appel à lui pour la bande son de son nouveau film (soit donc un documentaire sur son grand père en l'occurrence, plus d'infos sur le net). 2008 aura été une année charnière pour Zorn et le cinéma puisque pas moins de quatre filmworks furent enregistrés, ce dernier commença donc à en avoir un peu marre du paramètre cinéma (avec les contraintes qui vont avec), préférant bosser sur The crucible à venir ou bien des chamber works. De plus lors de leur premier échange, la réalisatrice et le compositeur ne sont pas parfaitement en adéquation, elle souhaite s'investir pleinement dans le processus de composition (ce que Zorn déteste), et va aussi aller voir dans les ateliers du festival de Sundance pour éventuellement trouver un musicien créatif avec qui collaborer. Le contact en reste la, même si la porte reste ouverte en cas d'échec dans sa recherche.

Natalia revient à la charge quelques semaines plus tard, s'ensuit une longue série d'e-mails entre elle et le compositeur, Zorn avouant qu'il n'avait jamais passer autant de temps à essayer de déboucher sur quelque chose. Deux mois après, le compositeur n'a toujours pas vu le film mais il est cependant sur d'une chose : le projet n'est pas fait pour lui, et en septembre, les deux parties tombent d'accord sur le fait que la musique sera mieux faites par quelqu'un d'autre, et les deux protagonistes rompt le contact à l'amiable. Quelques semaines plus tard, le téléphone sonna, c'était Marc Ribot qui lui demanda une faveur : Natalia Almada avait échoué à trouver un compositeur approprié pour son documentaire, pouvait t'il essayer de l'aider en devenant son compositeur ? Zorn expliqua à Ribot qu'il n'avait pas la même vision du projet et qu'ils ne voyaient pas de la même manière la collaboration. Ribot insista, et sachant qu'il s'agit de l'un de ses meilleurs amis et de ses plus fidèles et importants collaborateurs, il accepta. Réservation du studio le 7 octobre pour une seule journée avec Marc Urselli, le groupe est composé de fidèles comme d'habitude pour aller assez vite. Peu souvent dispo ces derniers temps, Greg Cohen peut répondre présent à la basse, Rob Burger à l'accordéon ou piano, Kenny Wollesen à la batterie ou Marimba, et Marc Ribot en pièce centrale à la guitare, puisque il est en partie responsable du projet. La réalisatrice du film ne voulait pas de musique mexicaine, tablant plus sur une musique minimaliste et abstraite. Zorn n'est pas d'accord avec ce point de vue, pensant que le film réclame plus de reliefs dans les sonorités. Se sentant une plus grande responsabilité vis à vis de Ribot, le compositeur new yorkais ira même jusqu'à écrire de fois plus de titres que prévus, certains finiront d'ailleurs sur certains disque de The dreamers...

Après avoir envoyé un dernier mail à la réalisatrice lui demandant si elle était sure de ne pas vouloir annuler la session studio (et donc dépenser de l'argent) sachant qu'ils avaient une opinion différente, la session eu lieu, 11 titres furent enregistrés, tous exceptionnellement beau, couvrant différentes variétés d'émotions et de rythmes, mais avec une magnifique justesse des quatre musiciens et un superbe feeling. John Zorn était particulièrement content du travail de Marc Ribot, les deux hommes étant d'ailleurs convaincus que Natalia Almada serait conquise par la musique fournit dans ce filmworks. Ils avaient tout faux : non seulement la réalisatrice n'utilisa que deux morceaux pour son documentaire, mais elle engagea aussi dans le dos de tous le monde un autre compositeur pour compléter la bande son. Moralité de l'histoire selon John Zorn : toujours ses premiers instincts, on le sent d'ailleurs bien amer de l'histoire au final. Reste cependant un sublime volume que personne chez les zornologues ne devraient renier...

lundi 3 mars 2014

JOHN ZORN - Filmworks XXII (The last supper)

Poursuite rétrospective de la série des filmworks de John Zorn, débuté en 1986 et se poursuivant inlassablement de nos jours. On retrouve tout cette série dans la archival serie de Tzadik, qui couvre tous les enregistrements que sort le compositeur new yorkais de nos jours. Le Filmworks XXII date également de 2008, ce qui en fait la troisième bande son zornienne cette année la. La bande son couvre un film ahurissant et improbable réalisé par un français, Arno Bouchard...

On connaît toute l'affection de John Zorn pour le cinéma hautement expérimental (Smith, Anger, Hills, Godard, Jodorowsky, etc...) et c'est en partant de ce principe qu'on se doute que le compositeur new yorkais fût complètement bluffé à la première vision de "The last supper". Film complètement décalé, improbable, aussi envoûtant que dérangeant, toute la genèse de l'œuvre est expliqué par le jeune réalisateur dans une interview sur son site internet, et un trailer officiel est disponible sur internet, le film entier ayant été apparemment distribué en toute petite quantité et en version ultra limité. C'est peut être d'ailleurs pour cela que ce filmworks est accompagné d'un très beau livret emballé dans un fourreau classieux regroupant pas mal de photos du film (il s'agit avant tout d'une œuvre visuelle, en plus d'être complètement cosmique). On souffla l'idée à Arno Bouchard d'une bande son composé par John Zorn, lui qui voulait à la base juste inséré une voix parlante mais ne trouvé pas les textes collant aux images chocs. Un dvd, storyboard et scénario fût passé à Zorn lors de sa résidence à Paris à la salle Pleyel en 2008. Soufflé par le spectacle ("l'un des films le plus étrange que j'ai vu..."), le new yorkais se met à avoir pas mal d'idée avant même que le réalisateur ne lui demande quelque chose. Bouchard voulait à la base prendre en licence "Kol Nidre" (qu'on retrouve sur "Cartoon S/m"), une pièce tendance religieuse. Etant donné la certaine teneur sexuelle et torride des scènes, Zorn désapprouva totalement cette idée, mais proposa comme à l'accoutumée de composer une bande son complète et originale à la place...

John Zorn voulait à la base suivre la violence bizarre des images en fournissant des sonorités industrielles/noise très intense en appelant le quatuor Ribot, Laswell, Mori et Winant. Ca aurait pu péter des flammes, avouons le. Mais au plus il visionna le film, au plus il voulait plutôt instauré un sentiment plus profond, un calme rituel et hypnotique. Bouchard laissa carte blanche, une autre vision fût choisie, les premiers instruments du monde, l'association des percussions et des voix. Un excellent choix je trouve, la bande son est particulièrement réussis, et colle parfaitement aux images du film, notamment ce "Virgin sacrifice" anthologique. Zorn et Cyro Baptista aux percussions, et les mêmes chanteuses que sur "Frammenti del sapho" (sur "Mysterium", voir la composer serie) nous offre un disque homogène qui s'écoute d'une seule traite, et qui outre "The last supper", pourrait largement convenir de bande son pour des pièces de danse ou de théâtre...

dimanche 2 mars 2014

JACQUES DEMIERRE - Breaking stone

Nouveau venus dans le roster Tzadik, Jacques Demierre nous renvois assez facilement dans le giron de Sylvie Courvoisier dans la catégorie assez réduite des pianistes d'origine suisse officiant dans la musique expérimentale. C'est après un concert de "Champion" Jack Dupree, pianiste mythique de blues de la nouvelle Orleans, fasciné par l'aura du musicien, qu'il décide de se lancer dans l'apprentissage à seulement une dizaine d'années. Fort d'une discographie conséquente et de nombreuses collaborations au fils des années, "Breaking stone" voit le jour en cette fin d'année 2013 sur la composer serie de Tzadik. Une pièce pour piano modifié démarre le disque, avec des sonorités modifiées grâce à une pédale, 9 minutes intéressantes, qui nous montre la dextérité du musicien. La seconde pièce "Sumpatheia"est ma préféré : 10 minutes d'une forme d'improvisation entre un guitariste jouant des notes muettes à la manière de Derek Bailey, et d'une violoniste en interaction avec ce dernier. Duo minimaliste, intrigant et inquiétant, mais dans la grande tradition Tzadik. La dernière pièce éponyme de 40 minutes, je ne l'ai malheureusement pas comprise. L'interaction entre le langage et le piano, oui, pourquoi pas dans l'absolu. Jacques Demierre diffuse sa voix dans le corps du piano pour avoir une interaction entre les deux. Mais le résultat s'avère décevant à mes yeux, ou piano quasi improvisé à l'écoute se mêle à des quasi-onomatopées pas vraiment super bien sentis. Sur une telle longueur, "breaking stone" indispose vite, trop vite, et ne suscite pas un particulier grand engouement. Dommage...