lundi 19 août 2013

JOHN ZORN - Filmworks XX (Sholem Aleichem)

Poursuite rétrospective de la serie des filmworks de John Zorn, débuté en 1986 et se poursuivant inlassablement de nos jours. On retrouve tout cette série dans la archival serie de Tzadik, qui couvre tous les enregistrements que sort le compositeur new yorkais de nos jours. Le Filmworks XX date de 2008, et couvre la bande son d'un documentaire sur la vie de l'écrivain Sholem Aleichem.

Sholem Aleichem, écrivain russe juif écrivit un grand nombre de romans, nouvelles et pièces de théâtre, principalement en langue Yiddish (langue couramment parlée mais méprisée en littérature), faisant ainsi de lui une figure de proue de la littérature Yiddish. Il connut ensuite de très dures étapes dans sa vie, en marge du succès d'estime de ses œuvres, une ruine personnelle du à une spéculation boursière, la mort tragique de son fils et une contraction à la tuberculose. Il mourut en 1916, et l'hommage de la communauté juive fut sans précédent : 100 000 personnes assistèrent à son enterrement dans le queens, et l'homme possède une place à son nom dans la 33eme rue de Manhattan, NY (et en sus, 2 monuments à Kiev et à Moscou)

Sur les bons conseils de Oren Rudovsky (réalisateur qui collaborera pour ses œuvres sur les filmworks XIV et XVIII entre autres), le réalisateur Joseph Dorman contacta Zorn afin qu'il écrive la musique de son documentaire sur l'écrivain juif. Le premier réflexe du compositeur fut de répondre "pourquoi moi ?", ce dernier connaissant l'écrivain Yiddish, et étant persuadé que la musique virerait Klezmer et clarinette (et effectivement, Frank London ou David Krakauer serait plus approprié). Mais le réalisateur expliqua qu'il voulait mettre en avant le coté plus sombre de la vie et des travaux de l'auteur russe. Si Zorn explique les rouages de la mécanique des musiques de documentaire (aider les transitions, ajouter de la tension, jouer sur le dramatique), il explique aussi que les fonctions musicales sont secondaire dans son procédé, et que l'utilisation de sa musique dans le cadre du film lui est indifférent, ce qui est surprenant. Mais de toute façon, il est de notoriété publique que John Zorn est le plus "punk" des compositeurs de films : il ne rencontre pas le directeur/réalisateur avant l'enregistrement, et n'écoute personne pour la composition (à moins d'allonger un solide tas de billet sur la table, et encore...). Il propose juste assez de musique pour couvrir les scènes, fournit l'enregistrement, et débrouille toi pour la suite...

John Zorn fera appel à des bons camarades à lui puisque qu'on retrouve le Masada string trio sur cette bande son, déjà responsable de plusieurs opus sur Tzadik, et Zorn les dirigeant très souvent au "bâton". Mais la clé de cette bande son unique a été d'inclure Carol Emmanuel à la harpe et Rob Burger à l'accordéon sur tous les morceaux, formation à 5 musiciens donc. Le tout sonne avec une rare cohésion et une ambiance splendide. les 12 titres regorge d'influence, de Bernard Hermann à Astor Piazzolla, avec des réminiscences de Tango. Mais on retiendra surtout l'atmosphère Yiddish qui se dégage de l'ensemble, rendant ainsi parfaitement une forme d'hommage à Sholem Aleichem. de "Shalom, Sholem !" et sa gaieté, jusqu'au plus sombre "mekubolim", on reste soufflé par tant de grâce, aussi bien au niveau de la composition que de l'interprétation impeccable des 5 membres. Les plus érudits d'entre vous auront reconnut un standard de jazz (interprété par Duke Ellington a priori) "caravan", qui s'est transformé en "portable homeland" dans une version Yiddish. Zorn est un peu gonflé de ne même pas l'avoir signalé, on en saura pas plus sur cette dérobade...

"Sholem Aleichem", on n'en saura pas plus sur ce documentaire au final, qui est malheureusement la aussi assez underground. Mais le filmworks XX s'inscrit dans la tradition Zornienne des grands disques de qualité, fait avec goût, distraction et passion. Et nul doute que l'auteur russe aurait été fier de l'héritage musical d'un grand contemporain juif qui rend hommage à la culture Yiddish...

JOHN ZORN - Filmworks XIX (The rain horse)

Poursuite rétrospective de la serie des filmworks de John Zorn, débuté en 1986 et se poursuivant inlassablement de nos jours. On retrouve tout cette série dans la archival serie de Tzadik, qui couvre tous les enregistrements que sort le compositeur new yorkais de nos jours. Le Filmworks XIX date de 2008, et couvre la bande son d'un film d'animation du réalisateur russe Dimitri Geller et qui s'intitule "The rain horse". Peu d'informations sur la genèse du film, mais il est en ligne sur le tube, et a gagné apparemment quelques prix d'animations dans les pays de l'Est. Je n'ai perso pas trop aimé mais ce n'est pas trop le sujet...

Après une requête par mail du jeune russe pour obtenir une licence de plusieurs morceaux du book of angels, Zorn, curieux, demanda à voir son travail et fût séduit par sa vision unique, sa technique et son langage unique et hermétique de l'animation. Le compositeur suggéra, comme c'est déjà arrivé sur d'autre filmworks, d'enregistrer une session complète de nouveaux morceaux pour le même prix, ce qui remplis de joie Dimitri Geller, a priori amateur de l'œuvre Zornienne. Bossant à ce moment la sur le disque "The dreamers", gardant en tête les atmosphères des titres que souhaitait acquérir à la base le réalisateur, et potassant durant quelques semaines les compositions de ce volume, John Zorn voulu d'abord recruter le duo Feldman/Courvoisier, mais indisponible pour cause de tournée. Hésitant entre plusieurs instruments (le vibraphone de Kenny Wollesen ou les flûtes de Steve Gorn), Le maestro se reporta sur Greg Cohen (fraîchement revenu d'Europe), Rob Burger (un vrai improvisateur créatif dans un style folk/classique) et Erik Friedlander (le plus lyrique de son entourage).

Le trio arriva en studio le 15 octobre 2007 en avance et commença à parcourir les partitions. Mais l'accordéon de Rob Burger sonne faux dans ces compositions, Zorn lui demande de changer contre le piano, au désarroi du musicien qui déteste en jouer (lui rappelant les cours étant enfant). Et pourtant, il a effectivement un sacré touché, plus sensible et raffiné que d'autres musiciens de la downtown. Dans la tradition des sessions de Filmworks, l'enregistrement fut le fruit d'un travail acharné durant toute une journée, mais à 18h, les 11 compositions étaient en boite, juste à temps pour que Friedlander récupère sa fille et que Greg Cohen puisse se rendre au concert de jazz de Woody Allen ou il est contrebassiste (tous les lundi soir au Carlisle, un hôtel luxueux de l'upper east side). Le disque fut mixé avec Marc Urselli (autre collaborateur fidèle de Zorn mine de rien) dans la foulée et à 21h, l'affaire était bouclé : 40 minutes de musique pour un film d'animation de 12 minutes. Peut être que le réalisateur étendra son film questionne John Zorn, mais comme il le dit lui même, Ennio Morricone lui a dit il y a quelques années "pense aux compositions musicales, pas au film !". Appliqué ici avec brio par un trio qui nous change du fameux et récurrent Masada string trio. Un beau volume à (re)découvrir, une superbe musique de chambre lyrique et majestueuse...

mercredi 7 août 2013

JOHN ZORN - Filmworks XVIII (The treatment)

Poursuite rétrospective de la serie des filmworks de John Zorn, débuté en 1986 et se poursuivant inlassablement de nos jours. On retrouve tout cette série dans la archival serie de Tzadik, qui couvre tous les enregistrements que sort le compositeur new yorkais de nos jours. Le Filmworks XVIII date de 2006, et couvre la bande son d'une comédie romantique d'Oren Rudavsky (qui a déjà travaillé avec Zorn auparavant) et qui s'intitule "The treatment". Il sera récompensé comme un des meilleurs films New Yorkais cette année la.

Rudavsky, le réalisateur contacte assez vite John Zorn pour son nouveau projet, une comédie romantique : A l'entente de ces deux seuls mots, le compositeur décline l'offre, ne pensant pas être l'homme de la situation, son interlocuteur pense le contraire, des objections montent de part et d'autre, un compromis est trouvé : visionner le film avant de prendre une décision finale. Le scénario plait finalement à Zorn, le réalisateur suggère une bande son avec pour base des éléments de Tango, ce qui achève de convaincre le musicien d'entamer son dix huitième filmworks. Le tango est une musique qui a toujours plus à John Zorn, et même si "The treatment" ne sonne pas exactement comme tel, l'esprit et le son des compositions font en sorte qu'on y retrouve une forte coloration.

A partir de ce moment la, le groupe de musiciens se dessine tout seul : le violon est un élément crucial pour le tango argentin et le romantisme, Mark Feldman est donc le premier à répondre présent, il est la pièce centrale des compositions du disque. Après son brillant travail sur le filmworks XIII, l'accordéon était tout désigné pour être Rob Burger, musicien que John Zorn utilisera tardivement mais assez intensivement ces dernières années ; le seul fait de retravailler avec lui était une raison suffisante pour Zorn d'accepter le boulot, c'est dire son estime pour le californien. Pour alléger le son, le piano sera remplacé par du vibraphone, Kenny Wollesen est son ouïe sensible fera parfaitement l'affaire. Enfin pour le bassiste, Le choix a du se faire entre Greg Cohen, Trevor Dunn et Shanir Ezra Blumenkranz, et c'est ce dernier qui fut choisis, solide sur les rythmiques, avec un son profond et généreux. Ce groupe inédit avait du mal à se trouver au début, les premières heures furent difficile, avec des compositions complexes. Marc Ribot fût donc appelé à la dernier minute, afin de structurer l'ensemble et de faire profiter de son expérience studio : Outre une petite apparitions sur deux courts titres, il permit au groupe de focaliser sa concentration, et les sessions commencèrent à décoller. Prise en une ou deux prises, les douze compositions furent assez vite plié par la suite, avec une cohésion et un feeling vraiment superbe. John Zorn sera très satisfait de leur boulot, ayant réussis à jouer l'un des filmworks les plus complexe et aventureux avec passion, style et élégance selon lui. Pas vraiment de thème du film désigné, chaque titres est unique en son genre. Mais le résultat sonne assurément comme un grand disque de John Zorn, prouvant de nouveau son incroyable talent de compositeur...

lundi 5 août 2013

ROBERTO RODRIGUEZ - El danzon de Moises

J'ai toujours beaucoup apprécié ces différentes œuvres sur Tzadik, je suis donc très content de compléter cette lacune du site en faisant la kronik du premier disque de Roberto Rodriguez sortis en 2005 en grande pompe sur la radical jewish culture. Natif de Cuba, immigrant très jeune aux USA, Roberto signe ici un vibrant hommage à la communauté juive qui est resté vivre au pays, aux racines de ses parents, et à toute une partie de son passé. John Zorn a du certainement lui pousser au cul pour sortir "la danse de Moise" (il lui en sera reconnaissant par la suite, ni quittant jamais Tzadik), Susie Ibarra, sa femme, a du l'encourager aussi, on la retrouve aux percussions. Un pléiade de musiciens de la downtown scene sont d'ailleurs présents (Brad Jones, Marcus Rojas, Ted Reichman, Mark Feldman, une section cuivre, et la clarinette magique de David Krakauer pour le crédit Klezmer garantie). Sans être pourtant un disque traditionnel à 100 %, le Klezmer s'entremêle ici avec des touches latines et cubaines pour créer un brillant mix d'une musique nouvelle, rencontre de deux identités culturelles fortes. Au final, un superbe premier chapitre qui préfigure le meilleur à venir, en plus de sa gentillesse (il m'a toujours soutenu a titre personnel), Roberto Rodriguez demeure un compositeur hors pair, il le prouve facilement tout au long des neufs titres présent ici...

samedi 3 août 2013

OREN AMBARCHI / Z'EV - Spirit transform me

Bien qu'il ait été techniquement collègue de labels sur Touch et Tzadik depuis de nombreuses années, la rencontre entre les deux hommes a eu lieu à Londres le 23 novembre 2006 et c'est Z'ev qui proposa une collaboration que l'on retrouvera deux ans après sur la radical jewish culture avec pochette ésotérique et sympathique proposé par ce dernier. J'aime beaucoup l'œuvre d'Oren Ambarchi dont je possède pas mal de disques, tapant souvent dans un ambiant classieux et recherché. Je suis en revanche beaucoup plus hermétique à l'œuvre de Z'ev, percussionniste chamanique pénible qui peut se vanter d'avoir sortis un des plus mauvais disque sur le label New Yorkais. La rencontre s'avère comme je l'attendais : pas aussi pénible que prévus, mais pas transcendantale pour autant. Trois grandes plages de vibrations dronesque proposé par le guitariste australien, et accompagné par la percussionite aiguë, martiale, industrielle et tribale de Z'ev. Le coté "bricole" du disque est par contre surprenant : les percussions ont été enregistré en 1982 (!!), la batterie en 1991 par Jon Wozencroft (illustrateur confirmé du label Touch), puis grâce à des transferts de fichiers par l'intermédiaire de Stephen O'Malley (oui, les deux gaillards sont aussi dans le giron de Southern lord), ils ont pu mettre au point "Spirit transform me". A l'instar du premier disque d'Ambarchi sur Tzadik, voici un disque vraiment radical qui plaira plus aux fervents de noise/drone pure et dure, mais mérite tout de même l'écoute si les vibrations sonores ne font pas peur...

OREN BLOEDOW / JENNIFER CHARLES - La mar enfortuna

Artiste présent dans la downtown scene depuis le début des 90's, le couple Jennifer Charles / Oren Bloedow (couple à l'époque, aujourd'hui séparé à la ville) a sortis à partir de 1995 une poignée de bons disques avec leur groupe Elysian fields, que je recommande sans aucun soucis. Évidemment, John Zorn devait les connaître depuis un bon moment, et les a branchés en 2001 pour créer un groupe alternatif qui pourrait explorer leurs racines juives en reprenant des chansons sépharades traditionnelles à leur sauce. Un classique dans le processus de la radical jewish culture, beaucoup de disques de la section ont vu le jour avec ce procédé. Pour le coup, une vrai bonne idée de la part du gourou new yorkais, tant ce premier disque est une réussite. 10 titres sont sélectionnés, deux composés par Oren Bloedow, les autres issus de répertoire underground dont il est difficile de retrouver l'origine. Un parquet de musiciens de la downtown aguicheur, puisque le duo semble avoir pas mal de copains dans le milieu, on retrouve donc en vrac Roberto Rodriguez aux percus, Steven Bernstein à la trompette, Ted Reichman à l'accordéon, Jamie Saft aux claviers, Kenny Wollesen et Ben Perowsky aux batteries (voila pour les tzadik regular), et d'autres. Puis il y a toujours la voix sensuelle et envoûtante de Jennifer Charles, et ça, ça n'a pas de prix...